Un film léger et simple.

Du haut de ses 89 ans, Agnès Varda semble revenir au fondement même du cinématographe des frères Lumière. À travers l’œuvre de J.R., un artiste qui fait des collages photographiques sur les murs de nombreux bâtiments du monde entier, elle construit un road movie présenté comme un documentaire, mais où les artifices de la fiction cinématographique sont revendiqués.

Le film s’apparente le plus souvent à une esquisse, que ce soit par ses dialogues postsynchronisés très écrits où les protagonistes sont filmés de dos, par ses plans flous, ses raccords hasardeux, et son étalonnage défaillant qui semble indiquer des reshoot successifs. À la manière de la pensée punk qui privilégiait l’émotion à la technique, la réalisatrice nous propose un discours sur la vie aussi direct que sa coupe de cheveux digne des Sex Pistols.

Et petit à petit, on se laisse guider par ce collage d’instants de vie qui forme un délicieux album de photos composé par J.R. et elle. On pourra reprocher à Visages Villages de ne pas allez assez loin dans ses portraits, d’avoir un contenu documentaire inexistant. Pour autant, c’est oublier le premier métier d’Agnès Varda qui fut celui de photographe comme son coréalisateur J.R. Le film s’avère finalement une variation cinématographique du cliché photographique. Dans l’œuvre de J.R., les inconnus deviennent les stars d’un jour comme cette serveuse dont le portait orne la place de son village. La réalisatrice prolonge en 24 images secondes cette célébrité, mais nous ne connaîtrons rien d’autre de l’existence des modèles. Varda ne nous documente pas sur la vie, elle nous plonge dedans. Ses sanglots qui concluent le film, caractérisent parfaitement cette approche. Partie chercher Godard pour le présenter à J.R., elle trouvera seulement un mot au contenu maladroit (des souvenirs sur Jacques Demy) sur la porte du cinéaste helvète qui avait pourtant accepté de la recevoir.  Dans le film, Varda essaye de relier l'art à la vie en passant le relais aux plus jeunes. Cette approche est différente de Godard dont le langage cinématographique est devenu son réel, voire sa prison métaphysique. À ce titre, il ne peut s'empêcher de mettre en scène son absence. Il blesse alors la réalisatrice en lui rappelant de douloureux souvenirs.

Une œuvre rafraîchissante et touchante à découvrir en salle.

Mad Will