En Macédoine du Nord, une tradition religieuse veut que pour l'Epiphanie, des milliers d'hommes dénudés se jettent dans une rivière pour attraper à la nage une croix lancée dans une rivière par un prêtre orthodoxe garantissant chance et bonheur à l'heureux vainqueur. Cependant en 2014 une jeune femme rompt la tradition uniquement masculine, se jette à l'eau et attrape la croix sacrée au nez et à la barbe des nageurs. Le geste ne manque pas de déclencher une polémique dans la population pieuse et fait les gros titres des canards locaux. Une femme qui met un coup de pied dans la fourmilière de l'église orthodoxe, voilà de quoi la faire passer pour une folle et nourrir les discussions familiales pour quelques semaines. L'histoire relève plus de l'anecdote que de la révolution féministe mais elle ne passe pourtant pas inaperçue et la réalisatrice macédonienne [[Personne:130194 Teona Strugar Mitevska]], connue pour son cinéma engagé socialement, y voit le point de départ d'une nouvelle fiction : Dieu existe, son nom est Petrunya.

Le film nous propose donc de suivre le quotidien déprimant de Petrunya ([[Personne:130186 Zorica Nusheva]]), une jeune femme de trente-deux ans pas vraiment dans les canons habituels de beauté, historienne et au chômage. Cynique mais sans argent, Petrunya n'a d'autre choix que de vivre sous le même toit que ses parents alors que ses entretiens d'embauches se soldent tous par des échecs. Aujourd'hui encore, confrontée à un énième refus d'un recruteur lubrique, elle traîne des pieds quand elle est dépassée par une foule de jeunes hommes en caleçons qui s'apprêtent à courir leur chance. L'occasion fait le larron, et comme dans la réalité, Petrunya y voit la possibilité de s'attirer un peu de bonne étoile et plonge à l'eau. Foule en colère, journaliste en mal de scoop, commissariat. Les nageurs crient au scandale, les autorités religieuses crient au scandale, la mère de Petrunya crie au scandale, la police crie au scandale. Petrunya elle, croise les bras et regarde tout ce petit monde droit dans les yeux. Que peuvent-ils lui reprocher au fond ? D'être une femme ? À la bonne heure.

Tourné dans le village des faits, Dieu existe, son nom est Petrunya est une comédie dramatique à l'humour pince-sans-rire qui égratigne sérieusement les conservatismes locaux et qui nous renvoie indirectement aux travers de nos sociétés. Chômage des jeunes diplômés, dictats de la beauté, pression familiale, préséance de traditions sur la loi que l'on pourrait adapter en "on a toujours fait comme ça", le film nous amène à réfléchir à la globalisation des problèmes que rencontrent les jeunes dans nos sociétés modernes. Par ailleurs, même si le film aborde frontalement ces thématiques, n'y allant pas de main morte sur les réflexions de son personnage principal, le militantisme de la réalisatrice est suffisamment dosé pour faire passer son message sans nuire à la narration. Remarqué l'an dernier à la Berlinale, le film brille également par sa réalisation et ses constructions de plans très cinégéniques qui ravissent les amateurs de technique. Pour peu que l'on y fasse attention, on se rend vite compte que [[Personne:130194 Teona Strugar Mitevska]] ajoute toujours de l'artistique à ses plans, cadrant très bas ou trop haut, captant les reflets d'une table en inox, et que ses cadrages ne sont jamais gratuits.

En conclusion, Dieu existe, son nom est Petrunya est un film décapant qui passe le conservatisme de la société Macédonienne à la sulfateuse. Un film à découvrir ou à re-découvrir sur Universcine.com

 Gwenaël Germain