Le vénérable W est un film puissant, résultat d’une enquête menée par le réalisateur Barbet Schroeder sur les traces d’un moine bouddhiste qui pervertit sa religion au point d’en faire un prétexte à l’épuration ethnique des Rohingyas, peuple musulman de Birmanie à la frontière avec le Bangladesh. Ce dernier volet de la « trilogie du mal », initié par le cinéaste avec Le général Idi Amin Dada et L’avocat de la terreur, a pour particularité de faire le portrait d’un homme affable et souriant, qui présente au spectateur un visage radieux, à rebours du monstrueux Idi Amin Dada, ou du retors Jacques Vergès. Et c’est cette révélation d’un mal profondément humain porté par un visage radieux qui fait la force du propos. Comment, alors que le bouddhisme est par essence respectueux de l’homme et non violent, comment un simple homme peut entraîner ses semblables à commettre des atrocités au nom d’une religion pour laquelle le divin n’est pas le centre et que l’on croyait naïvement à l’abri des excès de l’intégrisme religieux ?

Le constat est sans appel : aucune religion n’échappe, par la volonté de ses adeptes, en variant les personnes, les époques, et les lieux, aux statuts de victime et de bourreau.

En redoutable enquêteur, Barbet Schroeder offre encore une fois aux spectateurs de ses films des éléments de réponse sur l’origine et la propagation du mal, pour mieux servir la tolérance et la réconciliation.

A voir absolument.

Laurent Schérer