Interprétant le même rôle de la même façon depuis dix ans, une comédienne trentenaire (Shahana Goswami) ressent le besoin de se renouveler. Alors que son mari (Rahul Bose) aimerait qu’elle arrête de jouer pour avoir un enfant, elle préfère concevoir un projet artistique ambitieux. Celui-ci consiste à moderniser la pièce du grand dramaturge indien Rabindranath Tagore Les lauriers-roses rouges en donnant beaucoup plus de consistance au personnage féminin et en dénonçant la condition des ouvrières de textile de Dacca.

Pour son second long-métrage, Rubaiyat Hossain, l’une des rares femmes réalisatrices du Bengladesh, construit une histoire complexe qui lui permet d’aborder de front plusieurs thèmes. Au premier plan, Les lauriers-roses rouges est d’abord le portrait d’une jeune femme de la classe moyenne qui ose casser sa routine pour s’ouvrir à de nouveaux horizons. En faisant de son personnage principal son alter ego théâtral, la réalisatrice propose également une réflexion sur la façon dont les femmes peuvent s’emparer du champ artistique pour le renouveler. Enfin, elle opère un parallèle (que souligne le titre original du film : Under construction) entre le remaniement identitaire auquel s’attelle son héroïne et le perpétuel chantier de Dacca, capitale dont la modernisation n’oblitère en rien les fortes inégalités sociales. Stylistiquement, Rubaiyat Hossain entrecoupe sa description réaliste du mode de vie de Roya et de son entourage d’échappées oniriques dans lesquelles elle laisse libre cours à sa créativité et nous réjouit de quelques belles trouvailles visuelles.

F.L.