Laisse-t-on aux femmes le choix des armes ? Dans Assassination Nation du réalisateur américain Sam Levinson c’est le woman power qui s’exprime. Assassination Nation  (film d'ouverture du Paris International Fantastique Film Festival 2018 - Ne ratez pas la prochaine édition en 2019 -) est un film coup de poing, fort, intense, qui dénonce une Amérique profonde qu’un certain populiste maintenant installé à la Maison-Blanche a déclaré vouloir rendre plus grande et plus forte. Portrait d’une société machiste, hypocrite, et totalement bas du front, le film laisse à voir une oppression de chaque instant de la femme qui n’a d’autre choix que de se révolter violemment pour ne pas se faire opprimer, violer, tuer. Ce n’est pas pour rien que les événements de cette satire sociale se déroulent à Salem, ville qui a brulé d’innocentes jeunes filles pour sorcellerie au XVIIème siècle et qui symbolise une Amérique pudibonde dans laquelle la femme est l’ennemi surtout si elle est jeune, sexy et troublante.

Le film va nous montrer des hommes qui cachent leurs pulsions et qui sont blessés dans leur soi-disant virilité lorsque leur jardin secret est mis à jour à la connaissance de tous par le hackage de leur téléphone. Ils pètent alors les plombs car ils ne supportent pas que l’image qu’ils veulent donner à leurs proches et à leur communauté ne corresponde pas à leur moi profond. Au lieu d’assumer le fait qu’ils sont des humains faillibles et différents, ils préfèrent tuer ceux qui ont révélé leurs différences, qui ne sont pas forcément à nos yeux condamnables, mais qui les ont faits sortir de la norme imposée par la société. La gent masculine dans le film manque totalement d’empathie pour elle-même ou pour les autres.

Des souffrances, les quatre filles héroïnes du film, présentées au début du film comme les adolescentes écervelées habituelles des films de campus, vont en subir de toutes parts, de leur petit ami, de leur famille, de leurs camarades de lycée. Chacune aura une mauvaise expérience en la matière. Il y a en particulier une scène terrible où la mère d’une des filles veut lui faire dire à toute force ce qu’elle a fait. Ce que la mère ne veut pas comprendre c’est que ce dont son enfant a besoin à cet instant c’est qu’on lui dise qu’on l’aime. Et la faire « avouer » c’est lui monter de façon éclatante le mépris qu’on lui porte.

Le film est aussi une condamnation des réseaux sociaux qui ne sont plus des médiums de communication et de partage mais un moyen d’imposer de façon presque totalitaire la norme. Les réseaux sociaux deviennent un amplificateur de la pression sociale, le peuple s’inflige par leur biais une pression supplémentaire qui devient explosive.

La souffrance et la violence intimement liées parcourent tout le film. La couleur rouge est omniprésente : sur les rouges des lèvres, dans le sang versé, par les manteaux rouges des filles, dans la lumière des feux allumés. Ce n’est qu’à la fin du film que ce rouge disparaitra laissant la place à une atmosphère sombre emplie de noir et de fumée.  Avec une note d’espérance tout de même, car des ténèbres sortira un chant par le truchement d’une fanfare de musiciens noirs défilant au petit matin, qui indique que tout espoir n’est pas perdu.

Un film que certains pourraient qualifier d’excessif, tant par sa forme avec l’utilisation d’effets outranciers (accélérés, ralentis, plan esthétisants, musique épique…) que par l’insistance du message. Mais au vu des événements qui parcourent notre monde actuel, n’a-t-on pas besoin d’une message clair et efficace qui nous dit tout simplement que nous  devons respecter nos différences et nos consciences,  pour ne pas nous laisser entrainer par une idéologie qui nous transforme en moutons bêlants ou en meute hurlante ?

L.S.