Avec Le nom de la Rose, Annaud signe le meilleur film de sa riche carrière qui compte pourtant pas mal de classiques tels que Coup de tête, La Victoire en chantant ou L'Ours. C’était pourtant loin d’être gagné, car le livre d’Umberto Eco avait la réputation d’être inadaptable. En effet, le roman du sémiologue italien est la fois un traité sur l’Art, un policier médiéval, une réflexion sur la morale, et un exposé sur la pensée au Moyen Âge.

Annaudpour arriver à synthétiser cette oeuvre somme, fera appel entre autres à Gérard Brach le scénariste fétiche de Polanski et Andrew Birkin, collaborateur fidèle de Kubrick, qui lui proposeront pas loin d’une quinzaine de versions du script. Outre ses scénaristes prestigieux, Annaud va engager Dante Ferretti pour les décors, un cador dans le domaine qui a collaboré avec Terry Gilliam, Martin Scorsese ou Fellini. Son chef opérateur, il part également le chercher en Italie, en choisissant Tonino Delli Colli qui signa la lumière d’ Il était une fois en Amérique et dans l’Ouest. Enfin, il a pu compter sur Bernd Eichinger pour tenir les cordons de la bourse, un producteur allemand qui avait frappé fort à l’international avec le film germano-américain L'Histoire sans fin.

Annaud va faire preuve d’un souci du détail assez impressionnant, en faisant appel au médiéviste Jacques Le Goff afin de donner vie à un Moyen Âge moins reluisant que l’image habituellement donnée par Hollywood. Mais fallait-il encore des hommes pour incarner les êtres de papier du roman. Annaud engage alors Sean Connery pour le rôle principal. Il faut dire que l’acteur écossais l’a harcelé de longues semaines pour obtenir des essais qui enthousiasment le réalisateur français. Un retour au premier plan défendu par Annaud contre l’avis de la plupart des agents d’Hollywood qui déclarent l’acteur fini. Connery prouvera le contraire en tournant dans Le nom de la Rose, Highlander et Les Incorruptibles quasi à la suite. À ses côtés, on retrouve Michael LonsdaleRon Perlman et un jeune acteur débutant Christian Slater, tous dirigés de main de maître par Annaud.

Le cinéaste français réalise un film réaliste dans sa description historique quotidienne du monastère. Il n’hésite cependant pas à faire appel à un certain formalisme par le biais d’une lumière crépusculaire et cadre avec un plaisir évident les gueules à la Bruegel de la plupart des habitants du monastère. Annaud a un savoir-faire technique bluffant grâce une caméra souvent mobile, mais il sait aussi prendre son temps et s’attarder sur les visages. Il concilie ici à merveille le spectaculaire et l’intime.

Avec son scénario parfait, son casting impressionnant et sa réalisation inspirée, Le nom de la Rose est un film que l’on pourrait qualifier de parfait. Il l’est encore plus grâce à la bande originale de James Horner. Le compositeur qui n’avait qu’un mois pour créer la musique va concilier l’électronique et les instruments anciens. Ses compositions dans le film se veulent le reflet de la lutte entre l’obscurantisme et la raison. Les basses synthétiques et les cordes basses créent des ambiances crépusculaires où le mal semble partout. En opposition, il utilise des ensembles à cordes usant d'instruments de La Renaissance dans les moments où la raison est mise en valeur par notre moine érudit interprété par Sean Connery.

Le nom de la Rose est tout simplement un chef d’œuvre