Détour est un film qui transpire l’angoisse à travers tous ses plans. Al Roberts (Tom Neal) est victime sans l’avoir initiée ou prévue de quelque façon, d’une suite d’événements dramatiques sur lesquels il n’a aucune prise. Al se retrouve donc prisonnier dans un road movie meurtrier, perdant tous ses repères y compris sa propre identité. A chaque action il se rend compte qu’il a été contraint de choisir la pire, si tant est qu’il ait eu un choix à effectuer. La marche inéluctable du destin se grave à chaque tour de roue, plongeant le spectateur dans une angoisse oppressante.

La film est porté dans sa seconde partie par la sublime interprétation de Ann Savage, (Véra), étonnant personnage de femme autoritaire, qui joue du regard et du verbe pour dompter sa proie, renforçant  la sensation d’enfermement dans laquelle se retrouve Al Roberts.

La noirceur du film transparait aussi paradoxalement par l’économie de moyens attribuée au tournage. La route, loin d’évoquer les grands espaces est au contraire une prison linéaire dont on ne peut s’écarter. Et les décors minimalistes forcent le regard à s’attacher aux expressions des acteurs, les zones d’ombres des plans resserrant l’action à sa plus simple, mais plus belle expression. Un regard noir, la crispation d’une lèvre…

Série B sortie aux USA en 1945 mais saluée à juste titre comme un chef-d’œuvre au fur et à mesure du temps, le film d’Edgar G. Ulmer ressort en salles le 4 septembre. Une pépite à retrouver sur grand écran !

L.S.