Pour son troisième long métrage, Nicolas Wackerbarth a infiltré un milieu qu’il connaît bien, le dur monde des castings. Tour à tour réalisateur et acteur (vu dernièrement dans Toni Erdman), le cinéaste allemand a déjà occupé la position de celui qui choisit et de celui qui attend d’être choisi.

Dans Casting, il imagine Vera, une réalisatrice reconnue dans le pays, qui réalise sa première fiction pour la télévision. Il s’agit d’une adaptation des Larmes amères de Petra von Kant version hétéro, avec une cinquantenaire dans le rôle-titre, et un petit jeune pour lui donner la réplique. Sauf que pour Vera rien ne va. Non seulement l’acteur qu’elle a choisi pour la version masculine de Marlene est capricieux et aux abonnés absents, mais elle ne parvient pas à se décider pour le rôle de Petra. Alors les casting s’enchaînent, la production s’impatiente et la tension monte sérieusement dans l’équipe. Heureusement qu’il y a Gerwin, l’acteur chômeur qui connaît tous les dialogues par cœur et passe sa journée sur le plateau en tant que doublure, mais rêve secrètement de décrocher le rôle. Au milieu de l'hystérie collective, il est l’acteur hors liste, détaché de tous les drames, toujours partant pour faire des heures supplémentaires et consoler tous les affectés.  Il essuie cependant diverses humiliations, notamment à propos de son homosexualité qui l’empêcherait soit disant de jouer un homme viril. Le comble pour un remake de Fassbinder ! Un rôle schizophrénique très maîtrisé par Andreas Lust qui passe aisément du quasi figurant au rôle principal.

Filmé en huit clos, des loges au plateau, Casting liste tous les tracas possibles d’un tournage : la comédienne prétentieuse un peu trop sûre d’elle-même, la maquilleuse qui peine à prouver qu’elle est indispensable, le producteur autoritaire bien que sincèrement embarrassé, les techniciens qui boivent le coup de trop, la réalisatrice sans pitié...  Chaque personnage parvient cependant à exister en dehors de ces clichés.

Rappelons que l’œuvre initiale est une tragi-comédie de pouvoir dans laquelle une riche femme (Petra) maltraite son assistante pour finalement la supplier de  revenir.  Vera est bien l’incarnation parfaite d’une Petra von Kant de la réalisation, tyrannique, martyrisant son équipe avant de se rendre à l’évidence qu’elle n’est rien sans elle. Jouant ainsi habilement des allusions et des mises en abymes, Casting se révèle être une comédie drôle et cruelle, la satire de cette “grande famille du cinéma” qui ne laisse de place qu’aux liens pervers et intéressés.

S.D.