Lorsque Manana (Ia Shugliachvili), professeure de littérature, annonce qu’elle quitte le domicile familial pour recouvrer sa liberté, son mari et ses grands enfants en restent abasourdis. Persuadés qu’elle part pour un autre homme ou qu’il leur sera possible de la faire rester en la soulageant de deux ou trois tâches ménagères, ils n’arrivent pas à comprendre son désir d’indépendance. En Géorgie en effet, la valeur famille reste prépondérante sur l’individualisme.  

Nana et Simon réussissent le beau portrait d’une femme possédant en elle assez de force tranquille pour s’opposer aux normes sociales de toute sa famille et de tout son pays. Pendant géorgien du dernier film de Mia Hansen-Løve, L’Avenir, qui voyait une professeure de philosophie trouver des satisfactions insoupçonnées dans sa solitude retrouvée, Une famille heureuse a pour nous l’attrait supplémentaire du dépaysement géographique. En filmant la famille de Manana et notamment ses repas dominicaux rituels, Nana & Simon nous donnent à apprécier les richesses d’une culture traditionnelle toujours vivace. Les plats et les chants que les Géorgiens partagent en famille sont les liants qui cultivent leur sentiment d’appartenir à un groupe au destin commun. Savamment mises en lumière par Tudor Vladimir Panduru (directeur de la photographie qui s’était déjà illustré chez Cristian Mungiu) et mixées par Andreas Hildebrandt, ce sont autant de sonorités, saveurs et couleurs qui contribuent à faire d’Une famille heureuse une immersion chaleureuse dans la société géorgienne actuelle, bien ancrée dans la tradition, mais s’ouvrant petit à petit, par l’intermédiaire des femmes et de la jeune génération, à la modernité.

F.L.