Sorti en 1998 et 3e long métrage du réalisateur américain (et 20 ans après son deuxième film), La ligne rouge est un véritable chef d’œuvre qui expose les horreurs de la guerre par un contraste saisissant entre la richesse et la quiétude de la nature, et le bruit et la fureur humaine. À l’aide de voix off multiples, les pensées intimes des soldats nous sont données et exposent leurs peurs et leurs traumatismes, bien loin de l’héroïsme guerrier de bon aloi. Des individus tremblants, pleurants, ou figés, qui sont à mille lieues des stéréotypes du « va-t’en guerre » héroïque que certains voudraient nous imposer en justification des guerres passées, présentes ou à venir. Avec son casting 5 étoiles (Caviezel, Penn, Clooney, Brody, Cusack, Harrelson, Travolta, Leto entre autres) ces hommes deviennent variable d’ajustement ou victimes nécessaires pour la conquête d’un territoire ou la satisfaction de l’ego d’un donneur d’ordre. Un des aspects les plus marquant du film est d’ailleurs son caractère universel puisque Malik ne filme jamais les japonais comme des ennemis. Logés à la même enseigne que les américains, ils sont terrifiés et sidérés par l’horreur et s’ils ne sont jamais doublés ce n’est pas que leurs pensées ne comptent pas mais plutôt pour renforcer l’identification aux soldats américains, étrangers en ce pays.

Au-delà de ces partis pris d’interprétation, ce film est avant tout une expérience visuelle particulièrement marquante avec une mise en scène qui fait jaillir la nature à chaque séquence. Expérience sensorielle également, comme lorsque Malick convoque ce grand silence alors que les soldats se positionnent, et que les ombres des nuages se dessinent sur les hautes herbes. Un vertige presque métaphysique, un décalage absurde entre ces hommes qui s’entretuent au sein de ce paradis. Au fur et à mesure que tout s’effondre autour de soi, y compris les remparts et les certitudes les plus intimes, « Croire au mensonge ou mourir, on ne nous laisse pas le choix ».

Un film magistral sur l’absurdité de la guerre et la folie humaine.


L.S.