Vous l’attendiez de pied ferme, voici le retour de votre rubrique  « Dans l’antre du bis ».  Ici, pas de cinéma respectable, d’auteur déifié par la critique internationale, mais des monstres en caoutchouc, des bellâtres dotés d'un cerveau atrophié et des héroïnes diablement sexy !  Après avoir analysé le Starcrash de Luigi Cozzi qui proposait une relecture baroque et délurée de l’univers de George Lucas, nous allons nous attaquer aujourd’hui au film Elvira, Maitresse des ténèbres, un fleuron des années 80 à redécouvrir de toute urgence !

Elvira est un titre culte pour une communauté de quarantenaires biberonnés au cinéma de genre. Si en 1988, le film fait grand bruit au marché du film à Cannes et semble intéresser les investisseurs, le bide du long-métrage aux USA va pousser les producteurs à distribuer directement le film en vidéo dans la plupart des pays.  Dans l’hexagone, le film aura le droit à une sortie technique dans deux salles parisiennes avant d’être proposé en VHS et diffusé sur Canal+ où il marquera l’esprit de ses jeunes spectateurs qui répondront présents  30 ans plus tard quand Bach Films lancera un Kickstarter pour éditer le film en DVD.

Elvira est une création de l’actrice Cassandra Peterson qui s’est fait connaître aux USA grâce à la station de télévision KHJ de Los Angeles où elle présentait des films d’horreur (souvent libres de droits). Reconnaissable à son look inspiré par la Vampira d’Ed Wood ou la Morticia de la Famille Adams, elle est devenue célèbre avec ses remarques sarcastiques sur les films qu’elle présentait et pour ses blagues potaches. Dotée d’une poitrine aux proportions généreuses qu’elle met en valeur dans des tenues sexy, Elvira n’est pourtant pas une simple playmate gothique. En effet, Cassandra Peterson a développé un personnage fort qui assume sa sexualité tout en dénonçant le machisme et la pudibonderie ambiante. Ainsi, le film Elvira maîtresse des ténèbres qui la met en scène est à ce titre une réjouissante comédie, où elle n’hésite pas à maltraiter les machos et remettre en cause l’Amérique bien pensante.

Le film s’ouvre sur les images d’un show d’Elvira à la télévision. Elle commente les images d’un long-métrage produit par Roger Corman et intitulé « It Conquered the world » qui met en scène un monstre qui a la forme d’une carotte. À noter que la société de production derrière le film Elvira a appartenu longtemps à Roger Corman, ce qui explique les hommages rendus au papa de la série B durant tout le film. Après avoir tourné son émission, la jeune femme rencontre le nouveau directeur de la chaîne. L’homme se conduit comme un pourceau et essaye de profiter d’elle, mais un solide uppercut de la part de la jeune femme le fera vite détaler. Licenciée, elle part vers la petite ville de Farewell où elle doit toucher un héritage. Dans cette bourgade peuplée par de nombreux arriérés, elle fera vite comprendre aux machos du coin qu’elle dispose de son corps comme elle le souhaite à coup de talon aiguille bien placé et de remarques cinglantes.

Elvira n’est jamais le jouet des hommes. Elle est l’enfant illégitime des héroïnes de Russ Meyer. C’est avant tout une amazone émancipée, qui n‘a pas peur de parler de sexe et qui revendique son droit à jouir. Elvira est une femme d’action. Sa relation amoureuse avec le patron bodybuildé du cinéma est révélatrice de cette situation. En effet, c’est Elvira qui provoquera leur histoire d‘amour alors qu’il se conduit comme un gros dadais. Elle lui sauvera la vie à la fin du film tout en mettant mettra fin aux agissements du grand méchant, sans avoir besoin de l’aide du héros viril mille fois vu dans le cinéma américain.

Le film est une satire d’une certaine Amérique chrétienne et réactionnaire qui appelle communiste tout ce qui échappe à sa morale rigoriste. Dans l’état très puritain du Massachusetts où se passe l’action du film, notre héroïne va être déclarée comme l’ennemi numéro 1 par des ligues de bienséance menées par une certaine Chastity. En effet, notre héroïne remet en cause la vision étriquée et machiste de l’Amérique profonde défendue par cette mégère où les femmes sont au service des hommes.

Elvira est une comédie sans temps mort qui est construite autour d’une succession de gags reliés entre eux par une intrigue fantastique mettant en scène un méchant sorcier. Si la mise en scène n’est pas marquante, elle se révèle très efficace avec un montage multipliant les prises de vue en plongées ou en contre-plongées qui rappellent le cinéma de Russ Meyer. Avec ses couleurs vives, son caniche en mode chien des enfers et son livre de cuisine qui se révèle un traité de sorcellerie, le film fait penser à l’univers des cartoons où tout semble possible. Ainsi notre héroïne se transformera dans une séquence en une sorte de Rambo en mode Bip Bip et le Coyote qui utilise un lance-roquette pour mettre fin aux activités du vil sorcier.

Comme pour le Tortues Ninjas de Steve Barron, le film est resté culte en France pour sa  VF qui est considérée par beaucoup de ses fans comme supérieure à la version originale. Évelyne Grandjean, connue pour l’Académie des neufs et des sketches avec Desproges, joue une Elvira totalement Rock'n Roll avec un ton gouailleur qui colle au personnage.  Les responsables de la VF s'en sont donnés à coeur joie dans les calembours et les interprétations enlevées pour activer nos zygomatiques et faire d’Elvira un film définitivement culte.

Une comédie indispensable pour tout fan de film de bis qui se respecte. Un long-métrage à la bonne humeur communicative que je vous invite à découvrir ou redécouvrir.

Mad Will