Après La fille du 14 juillet, [[Personne:19459 Antonin Peretjatko]] récidive dans la comédie menée tambour battant. Cette fois, c’est en Guyane (et donc logiquement en France) qu’il installe son univers foisonnant. Dans ce Far west tropical, Marc Châtaigne (« l’inénarrable [[Personne:11818 Vincent Macaigne]] »), stagiaire aoûtien du Ministère de la Norme, vient vérifier l’(in)adéquation du projet d’intérêt public (et donc logiquement financé par le Qatar et la Banque Mondiale du Sport) Guyaneige avec les normes européennes. Flanqué de son acolyte Tarzan, pragmatique, toujours la clope au bec, expert en lanceur de couteaux, en un mot viril (et donc logiquement une femme, « l’ouragan [[Personne:6604 Vimala Pons]] »), cet oisillon représentatif de la ‘’génération creux de la vague’’, toujours en formation initiale à 36 ans, va enfin découvrir la vraie vie au contact des éléments et des animaux de la jungle. Nonobstant les serpents et autres mygales, le péril n°1 que Châtaigne doit affronter est la lourdeur administrative, symptôme de la totale déconnexion des bureaucrates bruxellois d’avec les réalités du terrain. Partout sur sa route se dressent des représentants de la loi plus décérébrés les uns que les autres, appliquant à la lettre directives et protocoles les plus absurdes. La tartuferie de notre société qui prétend maximiser la liberté individuelle mais la restreint de plus en plus par son inflation législative est bien illustrée par les fausses alternatives qui sont régulièrement présentées à Châtaigne ou encore les débats passionnés des investisseurs chinois pour choisir… la couleur du revêtement de Guyaneige. Frais émoulu d’une formation politique républicaine, pétri d’idéaux rousseauistes, notre grand naïf va réaliser que l’intérêt général est un concept que la novlangue néolibérale a vidé de sa substance, puisqu’in fine, derrière une démocratie d’apparat règne une loi de la jungle dans laquelle les désirs des pétro-monarques sont des ordres.

Bouillonnant d’idées, [[Personne:19459 Antonin Peretjatko]] enchaîne purs gags visuels sur propos satiriques à un rythme effréné, au risque de nous faire craindre l’indigestion. Heureusement, le climat tropical alanguit petit à petit les troupes et plus le récit avance, plus le réalisateur nous ménage des sas de décélération. Les scènes de ‘’western bérêt’’ alternent alors avec des épisodes contemplatifs dans lesquels Marc Châtaigne réinvente la drague à la sauce entomologiste, notamment lors d’une très jolie séquence symboliste jouant de la correspondance chenille-accordéon. La bande-son est également mise à contribution : le décalage entre la tonalité épique des musiques et la bande d’hurluberlus qui s’affrontent parachève le comique des situations, et la dimension cartoonesque des personnages est renforcée par la distorsion nasillarde des voix des acteurs, qui semblent avoir avalé un Bugs Bunny. Tout cela contribue à faire de la nouvelle comédie d’[[Personne:19459 Antonin Peretjatko]] un cocktail riche, équilibré, gentiment déjanté, hors-norme.

F.L.