Emilie Tesson-Hansen, DRH hyper-compétente dans son travail de requin (impressionnante Céline Sallette), est désavouée par sa hiérarchie (Lambert Wilson faisant du Lambert Wilson) lorsque l’un des salariés qu’elle avait pour consigne de pousser à la démission se suicide sur son lieu de travail. Deux options s’offrent alors à elle : rester corporate jusqu’au bout en détruisant des pièces à conviction pour éviter à son entreprise des ennuis juridiques, ou bien collaborer avec l’inspectrice du travail (lumineuse Violaine Fumeau) pour dénoncer la perversité des techniques du management moderne dont elle se faisait jusqu’alors la diabolique courroie de transmission. Entre sa carrière et la morale, le choix n’est pas si évident…

Aussi formellement classique que redoutablement efficace, Nicolas Silhol est surtout très doué pour la direction d’acteurs. Il faut concéder qu’il a un matériau de choix, puisque c’est le caméléon Céline Sallette qui campe son personnage principal, une femme aux prises avec un dilemme intenable que traduit très bien le jeu subtil de l’actrice habituée aux rôles cérébraux. Face à elle, Violaine Fumeau, presqu’inconnue du grand écran mais qui ici le crève, en incarnant l’héroïne du film, cette femme cadre supérieure obligée d’être deux fois plus tenace que les autres puisque devant rappeler le droit à des chefs d’entreprise majoritairement masculins et aux aguets de la moindre occasion de la renvoyer à une place de subordonnée. Alors que le libéralisme nous incite davantage à nous dévorer plutôt qu’à nous entraider les uns les autres, ce personnage d’inspectrice du travail exemplaire est extrêmement pertinent d’un point de vue politique, parce qu’il nous offre l’horizon positif d’un type de réponse intelligente à donner aux firmes transnationales pour lesquelles importe peu que l’argent qu’elles font fructifier ait l’odeur du sang humain.

F.L.