À l’occasion de la sortie du dernier film de Hong Sang-soo Walk up, nous vous invitons à (re)découvrir au cours de la semaine quelques autres films de ce réalisateur. Hotel by the river est influencé par les mouvements sociaux et féministes au sein du pays. Il est à la fois fidèle à l’œuvre du cinéaste dont on retrouve les marottes habituelles, mais aussi légèrement différent, explorant une nouvelle facette des relations hommes-femmes. Un très beau long-métrage du prolifique réalisateur sud-coréen à découvrir sans tarder !

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La critique :

Hong Sang-soo est un esthète de l'amour. Un artiste qui dépeint avec méticulosité les turpitudes du coeur et du couple à travers des films toujours semblables mais toujours légèrement différents, une sorte de peintre qui reproduirait jusqu'à l'infini les variations d'une même toile, changeant un bleu ici ou un subtil trait de rouge là. Et cela fait vingt-trois films que ça dure. Un Hong Sang-soo, c'est presque toujours la rencontre de trois ou quatre personnages, souvent dans un triangle amoureux, parfois évident, parfois plus subtil. Inlassablement les personnages déambulent dans les rues, se rencontrent au restaurant ou au bar et alors ils boivent de l'alcool, beaucoup, et discutent d'amour et de bleus à l'âme.

Son dernier film, Hotel by the River ne déroge pas à la règle. Cette fois, le décor est un hôtel au bord de la rivière où un poète d'un certain âge s'est retiré et y convoque ses fils. Dans une autre chambre, deux jeunes femmes s'enlacent dans un lit, habillées. Il s'agit en fait de deux amies dont l'une se remet difficilement d'une rupture amoureuse. Ainsi va le film, les hommes d'un côté et les femmes de l'autre. Séparés. Osant même un léger flou sur une potentielle homosexualité du poète, par ses relations rapportées avec le gérant de l'hôtel qui l'a invité, mais aussi par le rapport très étroit qu'entretiennent les deux femmes, comme pour distancier encore plus les deux mondes. Tout se déroule comme dans un Hong Sang-soo, les longues discussions, les marches, les rencontres autour d'un verre, mais les deux mondes, bien que situé dans un même lieu, restent à distance l'un de l'autre hormis une timide approche du poète âgé et une demande d'autographe mal assurée de la part d'une des deux femmes.

Depuis quelques années, la Corée du Sud connaît une forte augmentation des revendications féministes qui remettent en cause la structure hiérarchique patriarcale de la société s'appuyée traditionnellement sur des fondements néo-confucianistes. Il n'est plus question pour les jeunes femmes du pays de courber l'échine et de sacrifier leurs désirs et aspirations pour celui des hommes. En 2017, la vague #MeToo a fortement déferlée sur le pays et le pays s'est scindé en deux. Depuis, pas un mois sans que des scandales sexuels, traditionnellement passés sous silence, n'éclatent dans la sphère publique. Pour les acteurs, stars de la musique, et autres grands patrons, terminé le sentiment d'impunité. Par effet de bords, de nombreux hommes, plutôt que de réfléchir à leurs comportements passés, il faut voir comme dans les rues de Séoul les garçons tiennent les filles fermement par le bras, ont tout bonnement ostracisé les femmes. De nombreux articles de presse ont ainsi rapporté que, faute de savoir se comporter avec la gente féminine, les hommes ont cessé tout simplement de communiquer avec les femmes au bureau, préférant ne plus les convier aux repas et soirées karaokés qui se pratiquent très largement entre collègues.

Tourné à l'hiver 2017, Hotel by the River peut alors être vu comme la traduction dans le style de Hong Sang-soo, de ces deux mondes qui ne savent plus communiquer. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le poète âgé ne se fait plus guère d'illusions sur sa capacité à séduire des jeunes femmes, s'il laisse planer un doute sur une relation avec un homme et s'il se montre tendre avec ses fils. Le modèle du père tout puissant, de l'homme chef de société a fait long feu, il est temps de faire tomber l'image du patriarche omnipotent et séducteur. Les fils peuvent-ils le comprendre ? Rien n'est moins sûr. De leur côté, les femmes se consolent entre-elles. Elles n'osent plus approcher les hommes que du regard et de loin. La célébrité d'un des fils, réalisateur, n'est plus suffisante pour les faire tomber en pamoison. D'ailleurs, cette thématique se retrouve dans l'image. Kim Min-hee (Mademoiselle), l'amante officielle du réalisateur, est moins mis en valeur esthétiquement, comme si Hong Sang-soo avait voulu éloigner sa caméra. Alors qu'elle crevait l'écran dans Grass, Le jour d'après ou encore Seule sur la plage la nuit, elle est ici filmée avec plus de naturel, le noir et blanc moins sublimé, comme si le réalisateur avait laissé tomber les artifices, filmant plus la femme et moins la muse.

Ainsi le dernier Hong Sang-soo influencé par les mouvements sociaux au sein du pays est à la fois fidèle à l'oeuvre du cinéaste dont on retrouve les marottes habituelles, mais aussi légèrement différent, explorant une nouvelle facette des relations hommes-femmes. Le suivant est déjà prévu, que nous réservera-t-il ?

Gwenaël Germain

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La bande-annonce :

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