Un film de zombie à part, à l'esthétique très soignée, dans lequel le réalisateur japonais SABU s’intéresse à un personnage de zombie féminin victime de la lutte des classes et du machisme ambiant.

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La critique :

Depuis George A. Romero et sa Nuit des morts vivants jusqu'au Dernier Train pour Busan de Sang-ho Yeon, les zombies n'ont eu de cesse d'apparaître sur nos écrans de cinéma pour le grand bonheur des amateurs de frissons. Paradoxalement, très peu de films de zombies parlent des zombies eux-mêmes. La plupart du temps, ceux-ci sont relégués à des rôles anonymes d'antagonistes formant une masse informe et grouillante qui claque du dentier et godille de la guibole jusqu'à ce qu'un malheureux être humain ne fasse un choix stupide le transformant en plat de résistance. Eh bien, Miss Zombie est l'exact opposé de ce type de survival-horror nerveux où la tronçonneuse n'a d'égal que le napalm.

Dans Miss Zombie, le réalisateur japonais SABU, pseudonyme de Hiroyuki Tanaka, nous plonge dans un monde où les humains auraient domestiqué les morts-vivants. Nous y suivons un couple aisé qui vient de s'offrir une jeune zombie / esclave utilisée en bonne à tout faire. Rapidement, la caméra se concentre sur celle-ci et son quotidien ennuyeux et monotone. Son regard mélancolique se perd au loin devant une photo d'enfant, témoin d'un passé lointain.  Aux yeux du couple, elle n'a aucune identité et n'est pas plus importante qu'un meuble. Cependant, malgré son aspect décharné et son corps mutilé, la jeune "monstre" conserve de jolies formes qui ne laissent pas indifférent le chef de famille. À travers le film de genre, SABU s'attaque à la lutte des classes.

Au delà de son positionnement scénaristique, le film marque par un choix artistique fort, celui d’un noir et blanc très contrasté, très lumineux, à la limite du prétentieux et à l’opposé des films sombres de zombis habituels. Miss Zombie n’est pas un film à voir avec deux copains et une pizza et l'intention de rigoler bien fort, mais bien une œuvre qui demande au spectateur de s'impliquer. Il y a peu de musique, le rythme est lent et la réalisation artistique. Tout le film est construit en opposition et en renversement des codes. Le traditionnel film de nuit est remplacé par la banalité du quotidien de jour et le cadrage distille ça et là des images en miroir, instillant de plus en plus l'idée d'un renversement des rôles. Le film commercial pulp pour ados devient un film d'auteur réflexif.

Le personnage principal, l’héroïne, est ici le zombie. Et c’est une vraie zombie, elle bouge lentement, elle ne parle pas, elle affiche constamment la même expression et pourtant, SABU réussi à créer de la compassion pour le personnage. Mieux, celui-ci devient même beau au travers de ses cicatrices qui nous interrogent sur son passé. Et tout ce sentiment se crée chez le spectateur en opposition aux agissements des humains et de leurs comportements abjects. Plus intelligent encore, plus le spectateur s'interroge sur la zombie, plus les hommes du film deviennent fascinés par celle-ci, dans une sorte de mise en abyme du spectateur. Jusqu'à la rébellion, jusqu'à l'ultime sursaut de survie. Un scénario limpide mais fascinant.
Pour conclure, Bien que Miss Zombie manque un peu de rythme, le film mérite vraiment d’être découvert ne serait-ce que pour son approche singulière et artistique. Par ailleurs, il faut absolument saluer l'interprétation de l'actrice Ayaka Komatsu, incroyable de sensibilité malgré son mutisme.

Un film qui ne laissera pas indifférent à voir sur e-cinéma.com

Gwenaël Germain

La bande-annonce :