Paperhouse , à l’instar des Sorcières de Nicolas Roeg, est un film où il est impossible de dire quel est le public visé, tant ce conte d’apprentissage dans la lignée de La nuit du chasseur peut se révéler parfois effrayant. C’est pourtant l’un des longs-métrages les plus réussis sur l’enfance par sa capacité à mettre en scène les tourments qui caractérisent la psychologie préadolescente. Le film est adapté d’un roman anglais écrit sous l’influence de Dolto : Marianne Dreams de Catherine Stohrr, que la femme de Bernard Rose, l’illustratrice Anne Tilby a proposé à son amoureux comme sujet de film.

Bernard Rose met en scène une petite fille qui doit petit à petit reprendre le contrôle sur ses pulsions pour évoluer. Par l’intermédiaire de la figure du croque-mitaine qui prend le visage de son père absent, le réalisateur souligne la violence que représente l’adolescence. Ainsi, la maison de papier dans le film, se révèle être le théâtre d’un affrontement entre son désir de rester enfant et la nécessité pour elle de devenir enfin une femme. Avec une réelle pudeur, le cinéaste illustre le passage vers l'âge adulte par l'intermédiaire d'infimes détails comme dans cette scène où l'enfant se maquille avec une camarade avant de décider de faire une partie de cache-cache.

Si l’œuvre est empreinte de freudisme, elle ne se limite pas à ça. Paperhouse est avant tout une réalisation qui réfléchit sur la création. À travers les dessins de la petite fille qui agissent sur le monde des rêves, Rose souligne l’importance de l’acte artistique pour se libérer de ses pulsions et de ses peurs. Le film se révèle fascinant par sa capacité à nous faire ressentir l'effroi, la tristesse ou la mélancolie. Rose arrive à nous faire passer des rêves de la petite fille à la réalité grâce à la photographie, le son ou encore un détail dans le décor. Le réel et l’imaginaire ne s’opposent jamais, mais se complètent et forment un récit d’une rare cohérence.

Pour les scènes de rêves, Bernard Rose fait preuve d’une grande aisance visuelle et nous donne à voir des plans qui sont pensés comme des peintures qui pourraient être signées par Hopper. Paperhouse a marqué de nombreux cinéastes et inspiré des œuvres telles que Le Labyrinthe de Pan ouTideland.

Malgré un accueil enthousiaste dans les festivals, Paperhouse n’est pas un succès public, surtout que son distributeur Vestron déteste royalement le film, le trouvant trop intellectuel à son goût ! Néanmoins, l’aura critique du film fait de Bernard Rose un cinéaste à suivre. On attend alors que le cinéaste s’attaque une nouvelle fois au fantastique qui lui réussit si bien. Eh bien non ! Son long-métrage suivant Chicago Joe And The Showgirl sera une étrange reconstitution historique narrant les aventures d'un soldat américain en Angleterre dans un récit qui se veut une relecture du film de gangsters. C’est un échec.

Il faudra attendre sa collaboration avec Clive Barker, l’enfant maudit de Liverpool pour que le cinéaste connaisse un succès public en signant son chef-d’œuvre : Candyman . Œuvre d’un romantisme noir sans réel équivalent, Candyman est un grand film social faisant parti du panthéon mondial du cinéma d’horreur aux côtés de La maison du diable de Robert Wise ou des Innocents de Clayton !

Mad Will