Le film est disponible en DVD : Lien

Enemy Mine (Enemy en VF) est un film de science-fiction d’un type particulier. Alors que le genre dans les années 80 se limitait au modèle du Space Opera aux Star Wars, le réalisateur Wolfgang Petersen nous donne à voir un conte philosophique dans la lignée d’un Michel Tournier et de son Vendredi ou la vie sauvage. Ainsi, Enemy Mine est une oeuvre intimiste qui ne ravira pas les amateurs d’action forcément déçus par ce huis clos qui milite pour le droit à la différence .

Comme pour l’Histoire sans fin , Wolfgang Peterson choisit de tourner en Allemagne alors que son film est distribué et financé par une major américaine. Il adapte ici un livre intitulé également Enemy Mine qui avait remporté le prix Hugo et Le Nebula. Néanmoins, il est évident que l’histoire ici racontée s’inspire beaucoup du film Duel dans le Pacifique de Boorman qui voyait un Américain et un Japonais cohabiter sur une île déserte pendant La Seconde Guerre mondiale. Enemy Mine transpose ainsi dans le futur, une situation de conflit identique entres deux êtres vivants qui sont ici un humain et un extraterrestre qui finiront par oublier leur haine et s’entraideront.

Considéré à tort comme un film kitch, le visuel du film rend hommage aux illustrations des magazines de science-fiction des années 50. Dans la lignée de Fritz Lang et de son Metropolis , Wolfgang Petersen va privilégier un tournage en studio dans des décors gigantesques. Excellent technicien, il signe de très belles séquences où nos héros traversent des paysages enneigés et nous donne à voir une splendide station orbitale qui rappelle le travail de l’illustrateur Chris Foss qui a collaboré au Dune de Jodorowsky ainsi qu’à Alien . Soyons francs, tout n’est pas parfait dans le film et certaines incrustations s’avèrent ratées, mais il ne faut pas oublier que le tournage d’Enemy Mine a été un vrai marathon pour son réalisateur qui a été appelé au secours pour remplacer le réalisateur Richard Loncraine qui avait englouti plusieurs millions de dollars sans résultat. En quelques semaines, Peterson va devoir reprendre de fond en comble le projet, le réécrire et  le mener à bien. C’est pourquoi dans le même le film, nous avons à la fois le superbe maquillage de l’extraterrestre incarné par Louis Gossett Jr et en même temps certains monstres qui semblent avoir été faits en papier mâché par la maternelle du coin.

Pour autant, si on prend toujours du plaisir à revoir Enemy Mine, c’est surtout grâce à son duo d’acteurs. Denis Quaid qui était la vedette du moment depuis L'Étoffe des héros , trouve ici l’un de ses meilleurs rôles. Il est juste en humain belliqueux qui va petit à petit apprendre à découvrir autrui. Face à lui, sous le masque du Drac, Louis Gossett Jr connu pour ses interprétations plutôt musclées dans Officier et Gentleman, est impressionnant par la finesse de son jeu. On lui découvre une sensibilité rare qui sera absente du reste de sa filmographie. Grâce à la qualité de l’interprétation et la force de conviction des deux acteurs,  ce film parvient à être une oeuvre profondément humaniste qui ne correspondait pas à l'idéologie de l’Amérique reaganienne lors de sa sortie. Enfin, le choix d’un acteur noir pour jouer le rôle de l’extraterrestre Drac ainsi que les nombreuses allusions à l’esclavage font de ce film un touchant plaidoyer pour accepter l’autre dans une Amérique où le racisme est prégnant.

Comme je l'ai évoqué plus haut tout n’est pas parfait dans Enemy Mine , à l’image de ce final ajouté à la hâte par la production pour offrir un peu d’action et qui n’est pas forcément utile. Pour autant, même si ce n’est pas le meilleur film du monde, Enemy Mine reste un joli long-métrage qui a le mérite de militer pour le vivre ensemble, c’est pourquoi je vous invite à le voir et à le revoir.

Mad Will