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Je vous propose de revenir aujourd'hui sur le Charlie de Don Bluth. Vous savez depuis que vous avez lu mon retour sur Brisby et le secret de Nimh, mon amour inconsidéré pour ce réalisateur de films d'animation qui nous a offert tant de chefs-d'oeuvre du genre tels que Fievel. Son quatrième long-métrage en tant qu’animateur est une étape importante dans sa carrière. En effet, le film qui nous intéresse aujourd’hui a souffert à sa sortie du raz de marée commercial de La petite sirène  syonyme du renouveau de l’animation chez Disney, mais aussi d'une certaine standardisation du genre dans le domaine du trait et par l'emploi d'un humour envahissant. Malgré d’évidentes qualités esthétiques et thématiques, Charlie sera seulement sauvé d’un point de vue financier par sa carrière en vidéo.

Pourtant ce Charlie, bien plus que les films Disney des années 90 comme Aladdin ou les opus réalisés par le studio aux grandes oreilles dans les années 80 comme Basil ou Oliver et Compagnie, est tout bonnement d’un point de vue visuel, le seul et unique digne héritier des classiques supervisés par Walt Disney de son vivant. Le film est servi par une animation d’une fluidité exemplaire, les décors peints sont splendides et reproduisent parfaitement La Nouvelle-Orléans. Quant à la jeune héroïne Anne-Marie, elle est tout simplement l’un des plus beaux personnages désignés par Bluth avec son visage d’ange et ses joues légèrement rosées. Enfin, le film témoigne d’un savoir-faire unique de Bluth pour insuffler de la vie aux animaux. Charlie est tout simplement magnifique et c’est un plaisir de tous les instants que le regarder.

Mais que raconte le film ?

En 1939, Charlie, un chien des rues de La Nouvelle-Orléans, à la fois escroc et roublard, s'évade d'un pénitencier où il purgeait une peine pour divers larcins. Il retrouve son ex-associé, Carcasse, un féroce bouledogue qui est à l'origine de son arrestation, et qui ordonne à un chien tueur de le supprimer. Ecrasé par une voiture, Charlie rejoint le paradis. Il proteste tant et si bien qu'il est renvoyé sur Terre, où il décide de se venger. Il se met à la recherche de Carcasse, à qui il veut faire payer chèrement cette trahison. Il rencontre alors une petite orpheline capable de parler aux chiens, qui lui fournit de précieuses informations sur ses ennemis...

À l’instar de Brisby, Charlie est un film pour enfants dont la profondeur psychologique est réellement impressionnante. À la manière du Bugsy Malone signé Alan Parker, le film rend hommage aux longs-métrages de gangsters dans le cadre d’une oeuvre jeunesse où le réalisateur n’hésite pas à développer une noirceur absente de l’univers Disney. À ce titre, le film commence littéralement par la mort de l’un de ses personnages principaux. De la même manière, les méchants comme Carcasse (son nom dans la version US, Carface, fonctionne beaucoup mieux en termes de référence mafieuse) ou l’ignoble Zigouille, sont réellement inquiétants et n’hésitent pas à éliminer leur prochain de façon parfois violente comme avec la scène des piranhas. Mais surtout Charlie est une fable quasi "bergsonienne" avec son chien malfrat revenu d’entre les morts, qui porte sur son cou une montre ne devant jamais s‘arrêter au risque de le faire quitter le monde définitivement pour de bon. Le film devient alors une réflexion passionnante sur la nécessité de prendre conscience du temps passé sur cette terre, qui doit être au service d’un certain humanisme selon Bluth.

Un film ambitieux signé par un réalisateur de confession mormone qui pourtant ne fait jamais de prosélytisme, même si on trouve ici ou là quelques images bibliques comme dans ce final où la petite fille est sauvée des eaux à la manière de Moise. Comme souvent chez Bluth, cette jolie fable sur la rédemption ne fait jamais preuve de manichéisme avec son héros Charlie, un canidé de la pire espèce, tout à la fois manipulateur et égoïste, qui finira par risquer la vie de la petite Anne-Marie et de son meilleur ami. Enfin, le personnage d’Anne-Marie est une réussite totale grâce à l’interprétation de sa jeune actrice Judith Barsi. La jeune protagoniste est en effet un très beau personnage à la Dickens, une figure de l’enfance synonyme de pureté dans un monde d’adultes ou l'on exploite l'autre pour parvenir à ses fins.

Un très beau dessin animé dont le principal défaut est sans doute une bande musicale vraiment moins marquante que son concurrent d’alors, La petite sirène. Par contre en matière de scénario et de personnages, Bluth écrase littéralement la concurrence.

Charlie est une oeuvre mélancolique qui aura été marquée par le décès de la jeune actrice qui doublait la petite Anne-Marie qui sera violemment assassinée par son père et qui ne pourra jamais voir le film fini.

Une réussite à l'image de Brisby et le Secret de Nimh ! Indispensable !

Mad Will