Que raconte le film ?

Fred Flarsky aime créer la polémique dans la colonne qu'il écrit pour un grand journal. Ses patrons lui demandent de mettre un peu d'eau dans son vin. Impulsif, Fred préfère démissionner. Désormais sans travail, il peine à rebondir jusqu'au jour où il croise le chemin de Charlotte Fields, une ministre qui va se lancer dans la course à la présidentielle. La femme politique, qui, par un heureux hasard, a été la baby-sitter de Fred, aime l'écriture de l'éternel adolescent. Afin de se démarquer, elle lui demande de rédiger ses discours. Très différents, Fred et Charlotte vont pourtant se rapprocher...

La critique :

La comédie romantique, comme tout bon philtre d’amour, demande des mains expertes pour être préparée, et également un savant mélange des divers ingrédients qui la composent, sous peine de la rendre indigeste pour ses spectateurs. Séduis-moi si tu peux réussit brillamment l’exercice grâce à un habile dosage entre un glamour hérité de l'Hollywood des films classiques, et une certaine idée de la modernité. Cela grâce à un personnage féminin plus volontaire et plus intéressant qu’à l’accoutumée dans la comédie romantique, ainsi qu'à des références culturelles contemporaines.

Pour réussir à fendre l’armure de Mad Will et atteindre son petit cœur de Poetic Lover (cf les années 90), le film s’articule autour d'un joli couple à l'écran chez lequel on sent une vraie alchimie entre les deux comédiens qui le compose. À ce titre, ce long-métrage confirme une fois encore les qualités d’actrice de Charlize Theron qui devant la caméra de Jonathan Levine devient une sorte de Clark Gable au féminin. Elle a cette aura des stars d’antan, un mélange indéfinissable de classe et de charisme. En outre, elle possède de nombreuses facettes dans son jeu, passant avec facilité du registre de la comédie à un jeu plus introspectif en lien avec sa stature de femme d‘État. Face à elle, Seth Rogen incarne une sorte de geek adolescent qui serait devenu un journaliste de terrain à la François Ruffin. Même s’il interprète un personnage proche de ses rôles passés, il joue avec beaucoup de délicatesse un amoureux vraiment touchant et rend tangibles les liens qu'il tisse avec la séduisante ministre des Affaires étrangères.

Jonathan Levine, le réalisateur du long-métrage s’est d’abord fait un nom dans le cinéma indépendant américain. Il commence sa carrière comme assistant de Paul Shrader avant de signer les excellents All the Boys Love Mandy Lane et Wackness qui feront de lui un cinéaste à suivre. Si ses premières réalisations dans le cadre des studios n’ont pas forcement convaincu le public et surtout les critiques, il réussit cependant avec Séduis-moi si tu peux un numéro d’équilibriste rare. Il arrive en effet à proposer un film hollywoodien qui respecte les codes du genre, avec la naissance progressive des sentiments entre les deux protagonistes puis une succession d’épreuves pour mettre à mal cet amour, tout en nous proposant en filigrane un discours plutôt engagé et des scènes comiques assez subversives. Film ancré dans son temps, Séduis-moi si tu peux se veut une relecture féministe du Pretty Woman de Garry Marshall auquel il emprunte une chanson de la bande originale. Ainsi, Charlize Theron est présentée comme ambitieuse et forte. Elle est une figure de pouvoir nantie financièrement à la Richard Gere par rapport au journaliste incarné par Seth Rogen alors chômeur, et qui va finir par devenir une de ses plumes pour les discours. Dans le cadre d’un divertissement sentimental, le film nous dresse enfin un portrait pas toujours flatteur des arcanes politiques où les enquêtes d’opinion et le marketing ont remplacé les idées. Le dernier tiers de Séduis-moi si tu peux, dénonce ainsi un univers politique qui est devenu un monde de paraître aux mains des lobbys industriels et des instituts de sondage.

Le film fait surtout preuve d’un humour caustique assez rare dans l'Hollywood actuel, avec une ouverture du film nous qui donne à voir Seth Rogen infiltré chez des suprématistes blancs profondément idiots, et obsédés par leurs followers, ou bien dans cette scène de prise d’otages dans laquelle notre ministre doit sauver la vie d’un ressortissant américain, alors qu’elle est sous l’emprise de drogues. Un esprit politiquement incorrect, qui fait la fraîcheur d'une oeuvre flirtant avec un certain mauvais goût qui fait souvent mouche et évite le discours pudibond de beaucoup de comédies romantiques à l’eau de rose. Séduis-moi si tu peux est donc une histoire d‘amour assez touchante qui n’hésite pas à nous parler d’onanisme ou de pratiques sexuelles qui ne se limitent pas à l’habituel positon du missionnaire.

Cette fable sur le paraître avec une Charlize Theron en mode Grace Kelly qui s'unit avec un ours mal léché très attendrissant, est un grand film populaire qui réussit à nous faire croire encore en l’amour et que je vous invite à découvrir.

Mad Will