Sebastian Lelio réalise avec Gloria Bell   le propre remake de son film sorti au début 2014, Gloria , dans une nouvelle version fraîchement américanisée.

La critique :

“L’auto-remake” est une démarche étrange qui trouve plusieurs justifications : en 2012, Tim Burton re-tournait son emblématique Frankenweenie de 1984 en stop motion, contraint d’avoir dû utiliser la prise de vue réelle pour la première version, bien moins coûteuse. Vingt-huit ans plus tard et une carrière bien assurée, l’Américain s’offre le luxe de modéliser son petit héros comme il en rêvait à l’origine du projet. En France, Lisa Azuelos, galvanisée par le succès retentissant de LOL en 2009, a tenté en 2012 d’exporter sa comédie outre Atlantique en troquant Sophie Marceau contre Demi Moore dans LOL made in US. Elle n’est pas la seule à avoir voulu conquérir le public américain frileux face aux productions étrangères, l’exemple le plus parlant étant sans doute Michael Haneke et son Funny Games de 1998 en langue allemande, devenu Funny Games US dix ans plus tard, misant sur la star nationale Naomi Watts dans le rôle principal.

C’est sans doute cette même motivation qui a poussé le réalisateur chilien Sebastian Lelio à faire son propre remake du déjà très beau Gloria (2014) dans lequel Pauline Garcia donnait la réplique à Sergio Hernandez. Dans cette nouvelle version fraîchement américanisée, la sublime Julianne Moore reprend le rôle-titre face à John Turturro, la ville de Santiago fait place à Los Angeles, l’escapade à Viña del Mar est remplacée par un week-end à Las Vegas et les trajets en voiture sont désormais rythmés par d’emblématiques tubes américains, d’Air Supply à Bonnie Tyler. Le scénario n’a quant à lui pas tellement bougé, il est toujours question d’une sexagénaire célibataire, mère de deux enfants qui lui échappent, et grande amatrice de dancing. Au cours d’une soirée dans l’une de ces fameuses boîtes de nuit, elle croise le chemin d’Arnold qui la convainc d’accorder une deuxième chance à sa vie amoureuse. Mais la forte personnalité de Gloria et l’indisponibilité d’Arnold pourraient bien faire barrage à cette idylle.

Ocean’s 8, Tomb Raider, Les Veuves, Captain Marvel, Alita… les héroïnes américaines sont devenues légions en cette ère post #MeToo. Les femmes sont seules et solidaires, désormais capables d’affronter les dangers sans l’once d’un bellâtre à l’horizon. Gloria n’a quant à elle pas pour vocation de sauver le monde si ce n’est celui qui l’entoure, son fils sur le point de divorcer, sa fille partie à des milliers de kilomètres avec un étranger… et le sien aussi : celui d’une femme qui se voit vieillir mais pas pour autant mourir, une femme qui vit et nous ressemble dans ce qu’elle a de banale. Bien sûr Sebastian Lelio la magnifie, la rhabille de glamour et d’humour, la rendant tantôt désirable sur une piste de danse, tantôt presque risible quand elle hurle au volant les paroles d’une désuète chanson d’amour. Avec son insouciance retrouvée, ce n’est pas une deuxième jeunesse que cherche Gloria, mais le droit de vivre pleinement la vieillesse, temps qui désormais lui appartient.

S.D.

La bande annonce :