Le chant du loup, du réalisateur français Anthony Baudry est une politique-fiction assez fascinante qui prouve que l’on peut divertir et passionner le public avec un film intelligent, dans lequel le réalisme n’est jamais sacrifié au profit des effets pyrotechniques ou du suspens.

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La critique :

Il y a des films que l'amateur de cinéma de genre souhaite défendre, tels que Le Chant du loup, car ils bousculent par leur ambition et leur envie de cinéma à grand spectacle le paysage cinématographique français, où pullulent comédie bourgeoise et film dépressif des beaux quartiers parisiens. Son réalisateur Antonin Baudry a commencé sa carrière dans les arts visuels en tant que scénariste de bande dessinée pour la série Quai d’Orsay dont il s’est chargé de l’adaptation pour la version cinéma de Bertrand Tavernier. Il s’attaque dans son premier long-métrage à un genre codifié du cinéma : le film de sous-marin. Initié en grande partie par l’excellent Das Boot de Wolfgang Petersen, le film d’insubmersible en fonds marins a été consacré dans nos salles de cinéma par À la poursuite d’octobre rouge de John McTiernan et K-19 : Le Piège des profondeurs de Kathryn Bigelow.

Antonin Baudry nous propose un film où le réalisme n’est jamais sacrifié au profit des effets pyrotechniques ou du suspens. À ce titre, Le chant du loup est une politique-fiction assez fascinante sur ce qui arriverait si le président lançait l’ordre de l’envoi de missiles nucléaires par l’armée française. Grâce à son expérience de diplomate et de haut fonctionnaire, Baudry rend palpable la tension qui s’emparerait d’une Europe qui rentrant en guerre. Son Quai D’Orsay était une analyse habile sur un mode comique du fonctionnement de l’État. Son premier long-métrage en qualité de réalisateur, Le Chant du loup, est son pendant dramatique. Le cinéaste nous donne ainsi à voir le comportement de militaires en temps de crise, appliquant une série de protocoles et utilisant un jargon pointu, tout en révélant à travers leur attitude leurs doutes et leurs peurs.

Baudry nous plonge dans l’univers des fonds marins par l’intermédiaire de son personnage principal (joué par l‘excellent et toujours sobre François Civil) qui occupe la fonction d’«oreille d’or » dans les sous-marins. En l’absence de lumière sous la mer, le son est en effet essentiel pour les engins insubmersibles. C’est pourquoi l’armée recrute des spécialistes de l’analyse acoustique, tous dotés d’une oreille dite absolue (les musiciens me comprendront !) et d’une mémoire auditive surdéveloppée. Ils doivent en effet pouvoir repérer un bâtiment de guerre et l’identifier, mais aussi déceler une ouverture des tubes lance-arme annonçant une attaque.  
Mettre en image dans un premier film à grand spectacle, un homme dont la fonction est seulement d’écouter était un pari ambitieux. Un défi relevé par Antonin Baudry grâce à des acteurs investis et des situations dramatiques haletantes où la vie de nombreux hommes, voire d’une nation, tient juste à l’appréciation d’un bruit par un seul individu. À ce titre le cinéaste a eu recours aux équipes de Georges Lucas pour soigner la bande sonore du film qui joue un rôle essentiel dans la dramaturgie.

Le Chant du loup montre que la France ne doit pas avoir de scrupules à s’attaquer à des genres considérés comme la chasse gardée des Américains comme le long-métrage de guerre. Nous n’avons pas les millions de dollars de nos voisins d’outre-Atlantique, mais notre industrie possède un savoir-faire technique et la capacité d’aborder de façon plus réaliste et moins manichéenne le monde. Le film m’a donc captivé à l’instar des autres spectateurs durant la projection. Ainsi, le silence de la mer ne fut jamais parasité par le bruit des popcorns qui ont été oubliés dans leur carton par leurs propriétaires happés par ce Chant du loup.

Ce long-métrage est une réussite même si on peut avoir ici ou là, quelques réserves sur la réalisation et le scénario. Ainsi, le film compte quelques plans à effets spéciaux vraiment ratés comme cette attaque au lance-roquette qui semble avoir été truquée par un gamin de 10 ans.  De même, si l’écriture est plutôt satisfaisante, certains dialogues abusent des "punchlines". Vous savez ces phrases de scénariste qui claquent sur le papier, mais qui sont malvenues dans un film qui se veut réaliste et qui traite d’un conflit nucléaire. De la même façon, certains personnages comme la jeune femme qui tombe amoureuse du héros n’apportent rien à l’intrigue et font clichés.

Le Chant du loup reste néanmoins un long-métrage captivant et très documenté sur ce que représente l’entrée en guerre pour « un vieux pays, la France, d'un vieux continent comme le mien » (citation tirée du discours de Villepin à l’ONU). Une œuvre qui prouve que l’on peut divertir et passionner le public avec un film intelligent, qui ouvrira sans doute la voie à d’autres productions françaises du même genre en cas de succès.

Mad Will

La bande-annonce :

 

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