Retrouvez Panic sur Florida Beach sur le nouveau service de SVOD de Carlotta  https://levideoclub.carlottafilms.com/deja-culte/panic-sur-florida-beach-de-joe-dante.html

Vous allez retrouver grâce au Vidéo club de Carlotta, nombre de pépites du cinéma donc le monumental Schizophrenia de Gerald Kargl. Un film unique et indépassable dans le genre autour d’un serial killer dont la mise en scène est encore d'une modernité sidérante presque 40 après sa sortie. Que ce soit les Basket Case de Frank Henenlotter, The King of New York d'Abel Ferrara ou le Othello d'Orson Welles sans oublier certains classiques d’Ozu, le service de SVOD de Carlotta recèle de remarquables longs-métrages cultes à découvrir absolument.

La critique de Panic sur Florida Beach

Panic sur Florida Beach est un beau film, une œuvre tendre sur l’enfance et sur le cinéma. Regarder ce long-métrage c'est se souvenir de son premier baiser, c'est le doux parfum de l'amour naissant loin de toutes les contingences matérielles. Le cinéaste fait preuve ici d'une nostalgie très différente des fictions comme Stranger Things qui surfent de façon assez mercantile sur notre jeunesse. Panic sur Florida Beach , c'est le récit fantasmé de la propre jeunesse de Joe Dante durant laquelle il était baladé de ville en ville à cause de son père golfeur professionnel, à l'instar du héros du film qui passe de caserne en caserne en raison de la profession de son paternel. Dante signe ici son oeuvre la plus personnelle, la plus tendre aussi avec un joli portrait esquissé de l'Amérique des années 60. Pour autant le réalisateur n'hésite pas à conclure son film sur un plan lourd de sens où les deux enfants se tiennent la main alors que les hélicoptères passent au-dessus d’eux comme pour annoncer le bourbier vietnamien à venir. Ce long-métrage est un manifeste pour cette capacité que nous avions jeune d'imaginer et de croire à l'impossible. Passé à l'âge adulte, le cinéma pour Dante nous permet de retrouver l’émerveillement de nos jeunes années.

Mais au fait que raconte Panic sur Florida Beach ?

Octobre 1962. Les Etats-Unis soumettent l'île de Cuba à un blocus économique intensif auquel participe le père de Gene, un militaire de la base navale de Key West. Gene, 14 ans, est d'autant plus inquiet pour son père que toute la ville vit dans la terreur d'un conflit atomique que chacun imagine inéluctable et proche. Pour seule consolation Gene n'a que le cinéma d'horreur et Lawrence Woolsey, un petit maître survolté du genre, qui justement organise une avant-première fantaisiste dans une salle locale. Gene s'y rend avec son petit frère Dennis, son copain Stan et la jolie Sherry, que ce dernier a soufflée à un petit truand vindicatif et rancunier...

Joe Dante est un immense cinéaste dont on regrette chaque jour l'absence dans les salles au regard des produits aseptisés que nous envoie  régulièrement Hollywood. Si l’homme est resté dans les mémoires pour les Gremlins où il faisait preuve d’une causticité et d’un esprit cartoonesque qui fonctionnait à l’écran, Panic sur Florida Beach est avant tout une chronique qui évoque son amour pour le cinéma de genre. En effet, dans ce récit qui se situe en pleine guerre froide, le réalisateur souligne la puissance cathartique du cinéma fantastique et d’horreur. Il nous conte ainsi la projection d’un film de monstre par son réalisateur, interprété par John Goodman. Son personnage évoque William Castle qui était un réalisateur producteur et scénariste qui se déplaçait de salle en salle pour vendre ses films et qui faisait preuve d'un réel talent de bonimenteur. Il multipliait également les inventions, tout comme Goodman dans le film, pour surprendre son public. On peut également évoquer pour Panic sur Florida Beach les réalisations de Jack Arnold (Tarantula ! ) avec ce film d’horreur sur un homme fourmi, qui est projeté aux héros, et que l’on entrevoit par bride.

Joe Dante accorde toujours un regard bienveillant sur le monde de l’enfance. À l'opposé, il montre des adultes incapables de maîtriser leurs nerfs  comme dans cette scène dans la supérette. Le réalisateur joué par Goodman est le porte-parole de Joe Dante quand celui-ci déclare qu’il faut se méfier des adultes qui improvisent en permanence tout en faisant croire aux plus jeunes qu’ils savent ce qu’ils font. La vision du système éducatif avec ses leçons financées par les éleveurs de boeufs aux hormones du coin sur une soi-disante bonne alimentation, suivies par des exercices antinucléaires ridicules, montrent bien que le monde des adultes est celui des faux semblants.

Le dernier plan d’hélicoptère que j’avais évoqué en ouverture de cet article est emblématique d'un film qui traite avant tout des dernières heures d’une Amérique qui va connaître la fin des illusions avec l’assassinat de son président et le bourbier vietnamien. Les USA passent de l’enfance à l’âge adulte, synonyme de compromissions et de dénis.

La magie du 7ème art est à l’oeuvre dans Panic sur Florida Beach . En effet, seul le cinéma permet de faire cohabiter le regard d’un enfant et celui d’un adulte. Cette idée est symbolisée par la scène où Woolsey joué par Goodman explique à notre jeune héros l’art cinématographique à travers la représentation d’un mammouth qui apparaît aux deux personnages sous la forme d’une animation sur un mur. John Goodman dans le film est un passeur qui permet aux adultes de garder un pied dans l’imaginaire et pour les enfants d’appréhender de façon ludique le monde. Son monologue où il donne des ordres au personnel du cinéma est un plaidoyer pour ces personnalités de l’après-guerre du cinéma d’horreur qui étaient avant tout des artisans et des passionnés qui partageaient leur amour pour la pellicule avec le public.

Par sa nature fictionnelle, le cinéma est un mensonge accepté par ses spectateurs. Le plan sur la bombe qui provoque l’évacuation de la salle à la fin du film témoigne de la puissance cathartique et bienfaitrice du 7ème Art avec ces spectateurs qui retrouvent le goût de la vie après avoir goûté à la peur. Panic sur Florida Beach est un donc un magnifique hommage au cinéma de la part de l’un de ses serviteurs les plus dévoués.

Panic sur Florida Beach éloignera son réalisateur des plateaux de cinéma pendant 5 ans suite à son insuccès.  Ce manque de reconnaissance est vraiment dommageable, car le cinéaste américain nous offre dans ce film une réalisation soignée et se montre une fois encore brillant concernant la direction de ses jeunes acteurs.  D’un point de vue scénaristique, ce long-métrage est également extrêmement bien construit avec une première partie qui est une peinture réussie de l’Amérique des années 60 et une seconde partie dans la salle de cinéma où l’affection portée par Joe Dante au cinéma explose littéralement. Le film s’attarde alors de façon absolument merveilleuse sur l’éveil à l’amour de ses jeunes héros qui vont devenir le temps d’une projection les figures héroïques de leur propre vie. Quant à John Goodman en cinéaste bonimenteur, il incarne un cinéma artisanal et populaire dont est issu Joe Dante (il vient de chez Corman), qui s’apprête à être récupéré et vidé de sa substance par un Hollywood qui préfère les financiers aux artistes.

Panic sur Florida Beach est donc une merveille à voir et revoir absolument !

Mad Will