Matthew Porterfield avec Sollers Point, Baltimore , nous présente un film naturaliste et social qui n'a rien à envier à ceux réalisés de notre côté de l’Atlantique. Il n’a pas fini de nous étonner.

Pour voir Sollers Point, Baltimore depuis votre canapé : Accès au film

La critique :

Cinéaste ancré à Baltimore, Matthew Porterfield y enseigne le cinéma et y tourne tous ses films. Proposant une vision de la réalité contemporaine assez proche par son réalisme de la série policière The Wire —également située à Baltimore —, il poursuit son étude des dysfonctionnements sociaux dans ce dernier volet d’une trilogie sur les quartiers populaires de la ville, amorcée avec Hamilton (inédit en France) et continuée avec Putty Hill — son troisième film, I used to be darker, étant un peu à part.

Délaissant les expérimentations semi-documentaires de Putty Hill, Porterfield nous propulse d’entrée de jeu dans un récit mouvementé par le biais de Keith, jeune “white trash” d’une vingtaine d’années qui a passé quelques mois à l’ombre et tente de retrouver ses marques, en (se) promettant ne pas replonger aussitôt dans la délinquance. Mais c’est peine perdue, d’autant plus que les tentations sont nombreuses et la conjoncture sociale assez délitée pour compromettre sa réinsertion. Quoi qu’il en soit, les multiples tentations et tentatives de Keith, qui sillonne en tous sens les environs, rencontrant des proches, des amis, cherchant du travail ou des embrouilles, fournissent la trame de cette œuvre dense et mélangée. C’est une des forces du cinéma de Porterfield. Au lieu de se contenter d’une plate succession de saynètes, le cinéaste inscrit précisément les interactions du héros dans un environnement urbain très réel, en jouant avec fluidité des plans larges et des plans rapprochés.

Au-delà du constat sociopolitique, assez noir dans l’ensemble, qui conforte le constat sur la dégradation du tissu urbain (amorcée sous Bush et poursuivie sous Obama et Trump), c’est avant tout la variété des situations et des personnages qui saisit. Disputes et effusions alternent avec des scènes de famille ordinaires et même des démarches administratives. Ce foisonnement des lieux et des situations dans un périmètre relativement restreint génère une foule de personnages secondaires plus étonnants les uns que les autres. Pour prendre deux extrêmes, citons l’inquiétant chef de gang au maintien ascétique, qui édicte toute une série de règles morales au jeune imprudent qui s’est aventuré dans son fief gardé par des brutes ; et la cliente junkie que Keith prend en stop et qui lui achète de la drogue, aussi ravagée que touchante. Ce film nous rappelle qu’il existe aux Etats Unis une vraie et belle alternative au cinéma naturaliste et social dont la France s’enorgueillit. Matthew Porterfield en est un des chefs de file. Il n’a pas fini de nous étonner.

Vincent Ostria

La bande-annonce :

 

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