Le choix a été difficile pour cette sélection hebdomadaire. En effet, ce mercredi 2 mai, plusieurs très bons films sortent avant la parenthèse cannoise. Nous avons donc finalement choisi de mettre en avant Les anges portent du blanc qui traite d'un sujet grave et malheureusement d'actualité : les agressions envers les femmes. Ce long métrage de fiction signé par réalisatrice chinoise Vivian Qu, dénonce une société dans laquelle la corruption et le sexisme règnent en maîtres, les femmes victimes ne pouvant faire entendre leurs plaintes, et pire sont humiliées si elles osent mettre à jour leurs blessures.

La critique

Dans une ville côtière chinoise, deux collégiennes accusent un monsieur très important de les avoir sexuellement abusées. Elles ne savent pas quelle boîte de Pandore elles viennent d’ouvrir chez les adultes qui les entourent. L’enjeu est d’autant plus de taille qu’en Chine la virginité reste encore le point d’honneur des familles et le critère prééminent du prix des femmes sur le marché matrimonial. Le viol aurait eu lieu dans un hôtel où la réceptionniste et la femme de ménage sont exploitées par un patron machiste et vénal. L’avocate des parents d’une des petites filles vient y mener l’enquête, et assure ainsi le lien entre les personnages féminins d’âges et de milieux sociaux différents. Leur entrecroisement permet à la réalisatrice Vivian Qu (également productrice du très remarqué Black coal) de montrer que leurs malheurs particuliers découlent d’une culture du viol , répandue dans toutes les sphères de la société.

Elargissant même son propos à la planète entière, la réalisatrice a l’idée brillante d’utiliser comme élément de décor une très symbolique statue géante de Marilyn Monroe rabattant ses jupons soufflés par une bouche d’aération dans Sept ans de réflexion, pour figurer toute une mythologie universelle de fruits féminins défendus, sanctuarisés, dont le caractère tabou participe à la maltraitance. Excision ailleurs, épisiotomie abusive ici, chirurgie réparatrice d’hymen dans Les anges portent du blanc, il est toujours question du droit que les hommes s’accordent, avec ou sans prétexte religieux, pour mutiler et traumatiser le corps des femmes. Les formes de l’exercice de la domination changent, mais le fond est partout le même.

A travers son scénario habile, Vivian Qu souligne ainsi que le malheur d’être née femme, c’est d’avoir à rendre compte toute sa vie de la pureté de son entrejambe, supposé demeurer invisible, pudiquement protégé par des vêtements à jamais immaculés, comme s’il était moins producteur de sécrétions ou fait de moins de tissus nerveux que l’ensemble trois-pièces masculin. Or, à l’exception du personnage de l’avocate, la réalisatrice chinoise insiste sur l’absence de solidarité entre les femmes pour s’élever contre ces lois sociales iniques, qu’un mouvement de prise de conscience pourrait renvoyer aux poubelles de l’Histoire. 

F.L.

La bande-annonce