Le film est disponible sur Disney + : https://www.disneyplus.com/fr-fr/movies/cherie-jai-retreci-les-gosses/53dNy2VPeJ8O

Chérie, j'ai rétréci les gosses était un véritable pari pour la société Walt Disney qui avait changé alors de direction au cours des années 80. En effet, le gendre de Walt, Ron Miller venait d’être tout simplement débarqué par Roy Edward Disney et remplacé en urgence par un Michael Eisner ayant oeuvré au sein de la Paramount. Avec la sortie en salles de Chérie, j'ai rétréci les gosses , Disney veut atteindre à nouveau les sommets du box-office pour ses productions dites live. Il faut en effet remonter aux aventures de la fameuse coccinelle pour voir la société remplir les salles avec un long-métrage non animé. Surtout les nouveaux maitres du lieu souhaitent revenir à un cinéma exclusivement tout public et s’éloigner des tentatives de l’ancienne direction de proposer des films plus adultes. Si vous êtes familiers de ma plume, vous savez sans doute que Disney entre la fin des années 70 et le début des années 80, avait lancé une série de films plutôt sombres que ce soit La foire des ténèbres , Tron , Les Yeux de la Forêt … De très bons longs-métrages pour la plupart, mais des échecs cinglants au box-office. Ne souhaitant pas répéter les erreurs du passé, Disney décide d'utiliser sa nouvelle filiale Touchstone pour sortir ses films plus matures. Quant aux longs-métrages labélisés Walt Disney Pictures comme Chérie, j'ai rétréci les gosses , ils sont pensés pour plaire à toute la famille et sont dénués de violence.

Quand le projet de Chérie, j'ai rétréci les gosses est lancé, la société aux grandes oreilles s’était jusqu'à présent contentée dans le secteur du cinéma live de sortir les projets amorcés par l’équipe de Miller, comme le touchant Natty Gann qui contait les aventures d’une jeune fille durant la grande dépression. Le nouveau maitre des lieux Michael Eisner veut montrer que Disney est de retour, et il réussit son pari. Chérie, j'ai rétréci les gosses   est un carton public et sera particulièrement bien reçu par la critique. Du jamais vu en matière de box-office pour Disney dont le dernier succès dans le cinéma traditionnel remonte aux années 60 ! 

Chérie, j'ai rétréci les gosses prend son inspiration dans la série B fantastique des années 50. On pense évidemment à des œuvres comme The Amazing Colossal Man et L'homme qui rétrécit où des réalisateurs comme Jack Arnold confrontaient l’infiniment petit confronté à l’infiniment grand. Enfin, la firme aux grandes oreilles démontre ici sa capacité à se renouveler, en mettant en scène de jeunes gens pas trop niais à la différence de leurs longs-métrages sirupeux des années 60.

Le projet de Chérie, j'ai rétréci les gosses a été proposé à Disney par un duo de scénaristes que les amateurs du cinéma d’horreur connaissent bien : Stuart Gordon et Brian Yuzna. Les duettistes du gore dont j’avais déjà chroniqué certaines réalisations comme Society et Re-animator , auraient eu l’idée du film après que leurs enfants se soient plaints de ne jamais pouvoir aller voir leurs réalisations. Yuzna décide alors d’écrire avec Gordon un long-métrage pensé pour toute la famille et d’aller le proposer à Disney. Contre toute attente, la firme accepte le projet avec Gordon comme metteur en scène. Le duo est plutôt satisfait dans un premier temps de leur collaboration avec Disney qui ne semble pas gêné par le passif horrifique des duettistes. Mais petit à petit Jeffrey Katzenberg qui supervise la production, va mettre une pression exagérée sur le réalisateur de Fortress . Gordon exténué par la somme de travail demandé et les lubies de Katzenberg, se met alors à saigner abondamment du nez au beau milieu d'une réunion. Il va donc voir son médecin qui lui notifie que sa vie est en danger s’il continue sur ce rythme et lui demande de renoncer au tournage. En effet, ses troubles de santé seraient dus à un très haut niveau de stress et de fatigue causant de l'hypertension artérielle.  Katzenberg remplace alors Gordon par Joe Johnston, grand manitou des effets spéciaux qui réécrit partiellement le script avec l'aide de nouveaux scénaristes. Si le film que nous avons vu en salles est très proche du scénario original de Yuzna et Gordon et profite du gros boulot de préparation de ce dernier en matière de décors, Disney ne les créditera plus comme scénaristes, mais seulement comme auteurs de l’histoire originale. De plus, Gordon qui a obtenu un bureau chez Disney sera ensuite ignoré par la firme, qui ne veut plus rien avoir à faire avec un cinéaste venu du monde de l’horreur. Cette histoire vécue par le producteur et réalisateur de Re-animator , a poussé certains critiques à considérer le Society de Yuzna comme une attaque contre Disney. La firme aurait agi comme les nantis de Beverly Hills dans le film, utilisant les plus faibles en leur faisant croire qu’ils font partie du même monde avant de les rejeter après les avoir littéralement vidés de leur substance.

Sans nier le talent d’un Stuart Gordon qui occupe une place de choix dans le panthéon de mes cinéastes préférés, il faut bien reconnaître que Joe Johnston fait ici un superbe boulot au niveau de la réalisation. Technicien hors pair, sa mise en scène est dynamique avec une caméra extrêmement mobile au service d’un découpage d’une lisibilité absolue. De la même manière, la direction artistique du film s'avère impressionnante, on pense ici au laboratoire du savant joué par Rick Moranis qui semble avoir fait preuve d’un sens du détail quasi monomaniaque. Concernant la pelouse devenue une jungle dangereuse pour nos jeunes héros miniaturisés, les décors monumentaux rendent encore parfaitement bien presque 30 ans après la sortie du film.  Dès son premier film, le réalisateur de Jumanji et de Rocketeer s’avère un solide directeur d’acteurs. En effet, il tire le meilleur de son casting composé pour beaucoup par des comédiens venant des productions Disney destinées à la télévision. Que ce soit les parents ou nos jeunes héros, ils sont tous très justes et participent à la réussite du film. Quant au nouveau venu dans la galaxie Disney,  Rick Moranis, il excelle ici en savant lunaire fichtrement sympathique. Ceux qui ont déjà vu La folle histoire de l’espace ou les S.O.S. Fantômes ne seront pas étonnés, car ils connaissent tout le potentiel comique de ce comédien canadien. Un excellent acteur qui aura dû mettre fin à sa carrière pour s’occuper de sa famille après la mort de sa femme suite à une longue maladie.

À l’exception d’une ou deux incrustations plutôt visibles comme dans la scène avec l’abeille, les effets spéciaux sont plutôt réussis. Avec ses fonds peints et son utilisation de l’animation image par image, le film est l’un des derniers blockbusters utilisant les effets traditionnels alors que la révolution numérique s’apprête à déferler sur les écrans. Certains plans avec la pièce de Lego géante ou la pluie de feu provoquée par un mégot jeté dans le jardin, sont encore splendides et n’ont rien à envier aux productions actuelles aux budgets gargantuesques.

Chérie, j'ai rétréci les gosses s’appuie sur un scénario simple, mais terriblement efficace. En effet, après avoir été miniaturisés par la machine de Rick Moranis, nos jeunes héros se retrouvent jetés par mégarde dans un sac poubelle qui se retrouve à l’extrémité du jardin. Les 15 mètres qui les séparent normalement de la maison où ils espèrent revenir pour retrouver leur taille normale, deviennent des kilomètres à parcourir depuis qu’ils sont miniaturisés. Le long-métrage prend la forme d’une quête dont la finalité est de survivre dans un milieu hostile. Chérie, j'ai rétréci les gosses ressemble alors à ces récits d’aventures où le héros doit s’enfoncer dans une jungle peuplée de créature dangereuses. Grâce à ce dispositif scénaristique, on ne s'ennuie jamais devant ce film sans le moindre temps mort qui se conclut par une plongée vertigineuse dans un bol de céréales.

Même si on regrette la présence ici ou là de quelques salves moralisatrices inhérentes aux productions de la très conservatrice Disney, le film s’avère au final bien plus qu’une simple madeleine de Proust. Chérie, j'ai rétréci les gosses est en effet un divertissement 3 étoiles qui amusera petits et grands et que je vous invite à voir et à revoir.

Mad Will