Le Métro De La Mort sur Shadowz : https://www.shadowz.fr/content/death-line-2591

Gary Sherman a commencé son métier de réalisateur dans le milieu de la publicité et de la musique aux USA. Mais c’est au sein de l’Angleterre où il a émigré pour tourner des spots publicitaires qu’il va signer son premier long-métrage, Le Métro De La Mort en 1971. Si le film est devenu culte en Grande Bretagne grâce entre autres à la prestigieuse BFI (équivalent britannique de La Cinémathèque française) qui le qualifie de l’un des meilleurs longs-métrages tournés au Royaume-Uni durant les années 70, Le Métro De La Mort n'est pas un gros succès en salles. Sherman finira donc par revenir aux USA où il devra attendre presque une décennie avant de repasser devant la caméra avec son chef-d’oeuvre Réincarnations (également disponible sur Shadows) qui sort en salles en 1981. Une étrangeté du cinéma fantastique à voir et à revoir, qui n’est pas sans rappeler Twin Peaks. Metteur en scène atypique, son film suivant, Descente aux Enfers, est une oeuvre de fiction sur la prostitution, aux limites du documentaire, un long-métrage coup de poing incompris en son temps qui l’éloignera quelque peu des plateaux. Il revient tout de même en 1987 avec une oeuvre de commande, Mort ou vif, mettant en scène Rutger Hauer. Il est ensuite engagé par la MGM pour prendre les rènes de Poltergeist III. Si le film est un ratage complet, les étranges accidents survenus lors du tournage et la mort d’une grave maladie de la jeune actrice ont alimenté la légende selon laquelle cette saga serait maudite pour tous ces intervenants. Faute de nouveaux projets cinématographiques,  il fera ensuite l’essentiel de sa carrière à la télévision. Il reviendra cependant au cinéma pour tourner deux longs-métrages Lisa et l'énigmatique 39 qui relate les exactions d'un serial killer. À noter que ce dernier film est invisible après avoir été diffusé seulement dans quelques festivals. Sherman trouve l'oeuvre trop dérangeante et refuse à présent de la montrer.

On retient dans sa filmographie, son approche originale du genre qui se caractérise par une vision très noire de l’humanité. C’est également un cinéaste social qui se pose la question des différences de classes dans ces films. Il faut également noter chez lui, l’usage d’un humour que l’on qualifierait de très noir.

Même si Le Métro De La Mort se passe à Londres, il ne s’inscrit pas dans la tradition gothique du cinéma anglais fantastique à la Hammer. Vous ne trouverez pas ici la trace de jeunes filles vierges et blondes qui vont finir le cou transpercé par les crocs d’un quelconque vampire. Projet porté par un cinéaste et un producteur américain, Le Métro De La Mort s’inscrit plutôt dans le cinéma fantastique U.S. de la fin des années 60 qui se détachait des classiques littéraires afin de nous parler de notre monde actuel avec des œuvres comme La nuit des morts-vivants .

Alors que le cinéma anglais privilégiait le studio dans le domaine du fantastique, Le Métro De La Mort est tourné en décors naturels. À ce titre, la représentation de Londres dès l'ouverture est assez sordide avec ces ruelles faiblement éclairées où l’on découvre un dignitaire de l’ordre britannique partir s’encanailler dans un peep-show minable. La totalité du film sera à l’image de cette introduction qui met en exergue une lutte des classes très prégnante dans le royaume britannique. On se souvient à ce titre du mépris affiché par un agent du MI5 envers notre couple de flics qui mène l’enquête, qu’il qualifie de manants bons à s’occuper seulement des agressions entre prolétaires de la même espèce. Le film nous donnera ainsi à voir des scènes triviales comme la séquence de beuverie entre les deux flics qui ne sont plus capables de marcher, et qui vont même jusqu’à menacer le taulier du bar s’il refuse de les servir, alors que l’horaire de fermeture est déjà dépassée. Les inégalités sociales sont au coeur même de l'intrigue. En effet, il faudra la mort d’un membre de l’élite du royaume pour que la police se réveille et enquête, alors que le garde-manger du cannibale est rempli de pauvres citoyens lambdas qui se sont fait occire dans le métro.

Concernant le personnage du cannibale qui hante le film, il n’est pas un simple dégénéré sans foi ni loi, dénué de toute empathie, comme la famille de fous furieux de Massacre à la tronçonneuse . En effet, par le biais de dialogues, nous apprendrons ainsi que ses aînés ont été abandonnés dans une rame sous les éboulis, lors de la construction du métro de Londres que les industriels ne pouvaient plus financer. Enfermés, les survivants furent obligés pour survivre de se nourrir de chair humaine. Le dernier rejeton de ce groupe de personnes qui hante à présent le métro, ne tue pas par plaisir, mais pour survivre, lui qui n’a pas conscience véritablement du monde au-dessus. Sherman le montre avant tout comme une victime du capitalisme lorsqu’il répète ces mots « attention aux portes » alors qu’il est traqué à la fin du film. Cette survivance du langage rappelle l’horreur vécue par les ouvriers un siècle plut tôt lorsqu’ils se retrouvèrent abandonnés de tous et durent survivre dans une rame de métro coupé du monde.

Le film repose beaucoup sur les épaules de Donald Pleasence, le Dr Loomis du Halloween de Carpenter est absolument génial en flic gueulard et désabusé. Il est tellement bon qu’on a l’impression que le réalisateur s’est parfois trop appuyé sur l’immense talent du comédien anglais pour arriver à une heure et demie. En effet, le film compte de trop nombreuses digressions où l’on suit le couple d’enquêteurs qui ne font strictement rien à l'écran. Des séquences qui n’apportent rien à l’intrigue même si l'on peut apprécier leurs réflexions caustiques sur l’état de la société. On retiendra néanmoins la rencontre entre Pleasence et l’envoyé du MI5 interprété par l’immense Christopher Lee. Les deux acteurs se livrent ici à un affrontement poli en apparence, mais qui témoigne d’une rare violence tant les propos s’avèrent méprisants. Un duel qui témoigne du fossé qui existe entre les différentes classes en Angleterre et qui n’est pas loin au niveau de l’intensité de l’interprétation de la scène du restaurant avec De Niro et Pacino à la fin de Heat .

Si on oublie le couple un peu falot d’étudiants que Sherman met en scène dans de rares séquences et la manière que le cinéaste a parfois de faire durer les scènes avec Pleasance, Le métro de la mort est un film à redécouvrir pour sa représentation d‘un Londres rongé par les inégalités sociales. À voir sur Shadowz !

Mad Will