Le film est disponbile gratuitement le vendredi 17 avril 2020 sur Outbuster : https://www.outbuster.com/entre-potes/Killing-god

Matar a Dios est l’œuvre de deux réalisateurs espagnols qui feront bientôt parler d'eux au regard de la qualité de leur premier long-métrage. Nous avons tout d’abord Caye Casas, un artiste aux multiples talents qui est aussi dessinateur pour des magazines tels que Fotogramas où sa plume satyrique fait merveille. À ses côtés, nous retrouvons Albert Pintó, un metteur en scène qui s’est fait un nom à travers ses publicités et ses premiers courts métrages. Leur collaboration commencera avec Nada S.A, un film d’une quinzaine de minutes qui a été primé dans plus d'une quarantaine de festivals. Pour ma part, c’est avec leur long-métrage Matar a Dios que j'ai pu découvrir ces deux auteurs présents lors du PIFFF en 2017.

La plateforme de SVOD Outbuster va donc vous permettre de découvrir une perle du cinéma de genre qui était invisible jusqu'alors en dehors des festivals spécialisés.

Mais que raconte Matar a dios ?

Un sans-abri s’invite chez une famille pour le réveillon de Noël. La nuit prend un drôle de tournant lorsque l’homme, qui prétend être Dieu, explique à ses hôtes que la fin du monde est proche...

En raison de l’usage d’un humour irrévérencieux au service d’un portait au vitriol de la société espagnole, Matar a Dios a été souvent comparé aux réalisations d’Álex de la Iglesia. Il est clair que l’on peut faire un rapprochement entre l’oeuvre de ces deux cinéastes et le metteur en scène basque dont le deuxième film Le Jour de la Bête évoquait lui aussi la fin du monde. L’approche est néanmoins différente, car notre duo de réalisateurs s’appuie beaucoup plus sur les dialogues et le comique de situation alors qu’Álex de la Iglesia nous fait rire ou nous émeut grâce à sa mise en scène virtuose et l’usage d’un montage souvent discursif qui révèle une certaine misanthropie.

Dans Matar a Dios , les réalisateurs commencent leur récit avec l’habituelle réunion de famille où se succèdent les sempiternelles disputes faites de non-dits qui révèlent la mesquinerie de chacun des personnages. Nous découvrons dans le premier tiers du film une galerie de personnages hauts en couleur avec ce mari rancunier et macho, sa femme enfermée dans son statut de bobonne qui cherche une porte de sortie, sans oublier ce vieux veuf qui se sent pousser des ailes et l’indispensable jeune frère dépressif qui ne cesse de rater son suicide. Les voilà donc réunis à l’occasion du Nouvel An dans une villa où la décoration n’a pas changé depuis la mort de Franco, quand soudain un nain habillé comme le père Noël et passablement éméché arrive en se déclarant être Dieu. L’homme leur proposera de sauver deux individus de l’apocalypse qui doit s’abattre sur la terre entière le lendemain.

Tourné en mois de 3 semaines, ce long-métrage s’appuie sur un dispositif dramatique assez proche du théâtre en ayant recours à une unité de temps et de lieu, tout en limitant son casting à cinq protagonistes. Pour autant, la mise en scène est ultra dynamique avec une grande variété de plans et une caméra très mobile. La réalisation met en avant sa bande d’acteurs investie et qui dépense beaucoup d’énergie comme si les derniers jours de l’humanité était à venir. Un film que je vous invite à voir en VO pour apprécier l’interprétation et les dialogues ciselés et finement écrits. La grande force de ce long-métrage est de réussir à créer une certaine empathie avec des protagonistes souvent mesquins. Cette oeuvre réussit ainsi à dépasser le cadre de la simple farce et s'avère au final une comédie humaine bouleversante qui dans ces dernières minutes nous fait littéralement passer du rire aux larmes.

Matar a Dios est également un excellent long-métrage fantastique que n’aurait pas renié le théoricien Tzvetan Todorov. Le film nous fait ainsi douter sur la nature de ce clochard qui se déclare être un Dieu. En effet, le spectateur ne cesse de se demander si c’est un psychopathe passablement aviné qui se joue du catholicisme ancré chez beaucoup d’Espagnols ou bien alors une divinité fatiguée de notre médiocrité. La réponse sera bien sûr donnée dans un final particulièrement réussi.

Très bien réalisé et écrit, Matar a Dios témoigne de la vitalité d’un cinéma espagnol qui semble un vivier illimité de talents. À découvrir d’urgence !

Mad Will