L'héritage des 500 000 est le premier et unique film réalisé par Toshirō Mifune, l’acteur fétiche d’Akira Kurosawa qui a refusé le rôle d’Obiwan Kenobi à George Lucas ! Un grand film d’aventures aux accents dramatiques qui questionne l’âme humaine et le souvenir de la seconde guerre mondiale.

Disponible sur le Video Club de Carlotta : https://levideoclub.carlottafilms.com/decouvertes-raretes/l-heritage-des-500-000-de-toshiro-mifune.html

La critique :

Cette année Toshirō Mifune aurait eu cent ans. L'acteur fétiche d'Akira Kurosawa (Rashômon, Les sept samouraïs,  Barberousse ) et de Hiroshi Inagaki (La légende de Musashi, L'homme au pousse-pousse) a été sans conteste la plus grande star du cinéma japonais pendant des décennies avant de devenir une star internationale. Un parcours hors norme pour le petit garçon né en 1923 en Chine à Qingdao qui devint une mega-star partageant l'affiche avec Columba Domínguez, Yves Montand , Alain Delon , Charles Bronson ou encore Ursula Andress . Il aurait même pu incarner Obiwan Kenobi dans Star Wars s'il n'avait pas décliné la proposition de George Lucas ! Ce que l'on sait moins en revanche, c'est qu'en plus de son métier d'acteur, Toshirō Mifune a été le producteur d'une quinzaine de films (Rebellion de Masaki Kobayashi ) mais surtout qu'il fut le réalisateur d'un unique film : L'Héritage des 500 000.

Sorti en 1963 au Japon, ce drame sur la guerre et la condition humaine resta inédit en France jusqu'à ce que Carlotta ne le sorte du placard en 2019 dans une superbe édition restaurée. Outre la curiosité de voir Toshirō Mifune passer derrière la caméra, L'Héritage des 500 000 est un bon premier film qui fut un succès commercial au Japon et dont on regrette qu'il n'ait pas été suivi d'autres œuvres. Epaulé par l'équipe technique d'Akira Kurosawa , qui lui même participa au montage, l'acteur-réalisateur Mifune nous envoie aux Philippines en compagnie d'une petite troupe partie à la recherche d'un trésor de guerre caché par un bataillon de soldats japonais durant la seconde guerre mondiale et dont Matsuo (Toshirō Mifune) est le seul survivant. Cependant, celui-ci ne revient pas de gaîté de cœur sur l'île qui a vu des centaines de milliers de ses camarades tomber au combat, mais contraint et forcé par un crapuleux homme d'affaires (Tatsuya Nakadai ) qui menace de s'en prendre à sa fille s'il ne participe pas à l’équipée. Matsuo embarque alors dans une expédition clandestine flanqué de quatre gros bras chargés tout autant de le surveiller que de ramener l'or.

Entre drame et aventure, le film est l'occasion de traiter avec suspense et rebondissement de la convoitise humaine et de rappeler l'horreur de la guerre. Si le film n'est pas aussi poignant et profond que La condition de l'homme, le chef d'œuvre en trois parties de Masaki Kobayashi sortie quelques années plus tôt, on y retrouve le même questionnement sur l'humanisme et la réalité de la nature humaine. Tandis que le film de Kobayashi montrait son héros luttant désespérément pour rester pacifique, honnête et intègre en temps de guerre, le film de Mifune place un héros coupable d'avoir survécu, et ayant probablement commis des horreurs, en face de son ancien champ de bataille. Tout le film oppose alors un Matsuo a posteriori humaniste aux différents membres de son expédition aussi cyniques qu'avides d'argent. Pourtant, l'expérience du passé et la marche au milieu des anciens charniers font bouger les lignes et évoluer les valeurs de chacun.

Premier film oblige, L'Héritage des 500 000 n'est pas exempt de défauts. Toshirō Mifune a beau être épaulé par les meilleurs, il n'a pas l'expérience de son maître et ami Akira Kurosawa . Il est un peu tendre avec ses équipes et étant à la fois producteur, réalisateur et acteur principal, n'est peut-être pas tout à fait aussi exigeant en ce qui concerne l’image qui, bien que de qualité, manque d'une grande scène iconique. La scène finale par exemple, pourtant très intéressante humainement, est peut-être trop rapidement expédiée. L'Héritage des 500 000 reste néanmoins un très bon film, au-dessus de nombreuses productions de l'époque tout en n’ayant pas toute la maturité pour être au niveau du chef d'œuvre de Masaki Kobayashi . Il faut dire aussi qu'en une heure et demie, Toshirō Mifune n'a pas le temps suffisant pour aller aussi loin dans son interrogation que La condition de l'homme qui dure près de dix heures.

Pourtant, ces deux films sont intimement liés, comme d'autres œuvres de leur époque (Feux dans la plaine de Kon Ichikwa , Le piège de [[personne:18375 Nagisa Ōshima]]), par le recul pris sur la guerre et sur la nature humaine par toute une génération d'hommes qui ont vécu la montée de la propagande impériale japonaise, puis qui ont été mobilisés au front avant de survivre à la défaite. En effet, Toshirō Mifune était chargé d'encadrer et de photographier des jeunes appelés, destinés à être kamikazes tandis Masaki Kobayashi avait été envoyé au front en Mandchourie et, refusant d'être gradé, avait été expédié dans un camp de prisonnier à Okinawa. Autant d'expériences traumatisantes, tant personnelles que collectives, qui auront attendu près de quinze années pour se libérer avec autant de force cathartique à l'écran. 

Un film à découvrir sur la plateforme SVOD de Carlotta : https://levideoclub.carlottafilms.com/decouvertes-raretes/l-heritage-des-500-000-de-toshiro-mifune.html

Gwenaël Germain

La bande annonce :