Voir Nomads sur Shadowz : https://www.shadowz.fr/content/nomads-2064

Quel bonheur de pouvoir voir en SVOD sur Shadowz des œuvres que l’on a longtemps fantasmées comme Apocalypse 2024 avec Don Johnson ou bien encore Nomads , la première réalisation pour le cinéma de John McTiernan. Des films rentrés dans la légende grâce à la presse spécialisée dans le fantastique, mais qui restaient difficiles à trouver. Avec Shadowz, vous aurez accès sur une même plateforme à des longs-métrages d’horreur récents mais aussi à des titres cultes faisant partie intégrante de l’histoire du genre. Bravo pour leur politique éditoriale surtout que l’abonnement est modique : moins de 5 euros par mois.

John McTiernan a tourné Nomads un an avant Predator et Piège de cristal , les films qui allaient le consacrer comme maître du cinéma d’action. Il faut savoir que c’est Arnold Schwarzenegger qui imposa McTiernan sur Predator car il était fan de Nomads . Notre culturiste autrichien a toujours été un dénicheur de talents puisqu’il fera engager Paul Verhoeven sur Total Recall alors que les producteurs envisageait un autre cinéaste.

Nomads est une œuvre atypique par rapport aux clichés du cinéma fantastique de l’époque. Pas d’adolescents à trucider après avoir goûté au fruit interdit, nous sommes ici face à un film adulte dont le héros est un universitaire spécialisé dans l’anthropologie. Un rôle tenu par Pierce Brosnan qui n’était pas encore devenu le fameux 007, malgré le départ de Roger Moore. Alors que le rôle de Bond lui a été proposé dans les années 80, il n’a pas pu s’engager à cause du contrat qu’il avait signé avec les producteurs de la série Remington Steele. Il lui faudra encore ainsi attendre de très longues années avant de pouvoir enfin endosser le costard du plus célèbre espion anglais.

Nomads est un échec en salles et sera même renié par John McTiernan qui considère que son long-métrage est une œuvre trop cérébrale pour toucher le public. Sans lui donner raison, il est clair que ce film a de quoi désarçonner les fans d’un réalisateur connu pour le cinéma d’action. Son premier film est en effet une reflexion mâtinée de new age sur la place de l’homme dans nos sociétés urbaines dans la lignée du Wolfen de Michael Wadleigh . De la même façon, quand on découvre Nomads , on ne peut s’empêcher de penser aux oeuvres fantastiques de Peter Weir. À la manière de La Dernière Vague avec Richard Chamberlain, McTiernan accorde ici une grande importance à des croyances révolues qui rentrent en conflit avec l’obsession de l’homme pour la modernité.

Il n’est pas forcement aisé de résumer un film tel que Nomads qui met en jeu deux temporalités dans son récit. Nous suivons ainsi dans le passé l’anthropologue Jean-Charles Pommier qui se met à observer une bande de loubards sans foi ni loi. Il se rend vite compte que ce groupe d’individus agit à la manière de certains nomades qu’il a étudiés dans les coins les plus reculés du monde. Le réalisateur va entrecouper ces séquences avec des scènes censées se situer dans le présent où une jeune docteur se retrouve envoûtée par les souvenirs de Pommier qui vient de rendre l’âme sur un lit d’hôpital.  Le film va donc mêler ces deux temporalités pour nous faire comprendre ce qui a bien pu arriver à l’anthropologue.

Nomads est un film exigeant qui demande l’attention de son spectateur qui ne sait pas toujours s’il est dans le présent, dans un rêve ou bien dans un flash-back. De plus John McTiernan ne nous donne pas toutes les clefs pour comprendre les évènements, à l’image de la séquence où Pommier rencontre la bonne sœur dans les bas-fonds de la ville. Il est évident que ce n’est pas l’histoire qui compte le plus pour le réalisateur, mais le discours philosophique sur notre société que porte le film. Nomads est en effet une réalisation qui nous pose la question de la nature de l’homme. Est-il un être faussement civilisé dont on a contraint la nature de nomade ? Par le biais du plan final plus qu’énigmatique, le réalisateur semble défendre le principe de la liberté à tout prix contre la société. Une opinion pas forcément illogique de la part d’un homme qui avait déclaré être méfiant voir réfractaire à toute forme de pouvoir lors de la présentation de ses films au Festival de Deauville,

Nomads est essentiel pour comprendre le cinéma de John McTiernan. En effet, le réalisateur y développe la plupart des thématiques de ses longs-métrages suivants. Son premier film met ainsi en scène une remise en cause de la civilisation par le biais d’un retour de la nature primaire comme dans Predator ou Medicine Man . De la même manière, l’arrivée de Pommier sur sa moto à la fin du film est à mettre en perspective avec un John McClane dans Piège de cristal , qui réussit à triompher de ses adversaires en ne respectant jamais les règles de la société.

Même si le film est avare en actions, on retrouve dans la scène d’attaque de la maison de Pommier toute la maîtrise technique du réalisateur. Son découpage lors de l’assaut des nomades est extrêmement dynamique avec des cadrages très bien structurés. Son utilisation du langage cinématographique est déjà bluffante pour un premier film, car le cinéaste donne aux spectateurs les informations nécessaires à la compréhension de chaque scène par le biais des images, et non par l’entremise de discussions entre les protagonistes de l'histoire. Quand on regarde le cinéma actuel truffé de dialogues surexplicatifs, peu de cinéastes sont capables comme John McTiernan de vous montrer que la jeune doctoresse et Pierce Brosnan ne font plus qu’un par le biais d’un simple panoramique.

Pour autant, tout n’est pas parfait dans Nomads . À ce titre, la musique a particulièrement vieilli. Les morceaux de hard FM de la bande originale ne sont pas vraiment en adéquation avec l’ambiance assez lourde de ce long-métrage. De la même manière, le film nous donne à entendre dans les moments les plus dramatiques des compositions sirupeuses et ringardes signées Bill Conti qu’on a connu plus inspiré sur la saga des Rocky.  Quant à la direction artistique du film, elle est un peu trop typée années 80 avec ces nomades attifés comme les punks d’opérette du jeu vidéo Street of rage.  On a parfois du mal à les imaginer comme une menace avec leur veste en cuir cintrée qui semblent sortir tout droit de la boutique à la mode de Palm Spring, sans parler de leur coupe de cheveux digne d'une pub L'Oréal pour du gel coiffant. Ces réserves sur l'esthétique du film ne sont pas rédhibitoires si on accepte de se laisser porter par cette œuvre envoûtante et narrativement complexe qui nécessite plusieurs visions pour comprendre tous ses secrets. Le film peut également compter sur l’interprétation plutôt solide de Pierce Brosnan qui remplace un Gérard Depardieu longtemps envisagé par le réalisateur. L’acteur d’origine d’irlandaise est plutôt bon en anthropologue même si son accent français est encore à travailler en VO.

Nomads fait partie de ces ovnis que l’amateur fantastique se doit d’avoir vus. Je vous invite donc vivement à découvrir le premier film de John McTiernan sur Shadowz.

Mad Will