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Que raconte le film ?

Carol Hammond, fille d’un célèbre avocat, est la victime d’hallucinations étranges où elle imagine des orgies sexuelles sous LSD organisées par sa voisine, la belle Julia Durer, une actrice à la vie sulfureuse et débridée. A la mort de cette dernière dans des conditions mystérieuses, Carole voit son monde s’écrouler et les mains de la police se refermer sur elle. Arrivera-t-elle à contenir sa folie et ses désirs sexuels insatisfaits ?

Ah ! Le venin de la peur, ce long-métrage qui me faisait tant rêver alors que je faisais mes premiers pas dans le giallo italien (thriller à la frontière du cinéma policier, du cinéma d'horreur et de l'érotisme) après avoir découvert la trilogie animale de Dario Argento. Un long-métrage présenté par son réalisateur comme un long rêve éveillé qu'il aurait voulu conclure par l’arrivée d’un assassin échappé du monde des songes. Avec son titre italien Una lucertola con la pelle di donna (un lézard à la peau de femme), le film s’inscrit dans l’explosion des thrillers avec des titres alambiqués qui envahirent les écrans après le succès de L'Oiseau au plumage de cristal et du Chat à neuf queues d’Argento.

Par rapport à ses premiers pas dans le giallo dans Perversion Story, Fulci s’inscrit ici véritablement dans le genre avec un meurtrier qui recourt à l’arme blanche pour exécuter une jolie femme. Il n’oublie pas non plus de recourir à une pincée de psychanalyse avec son héroïne Carol qui se rend chez son patricien. Pour autant, par rapport à Bava et Argento, Fulci réalise un film plus onirique et violent tout en usant de l’érotisme de façon plus marquée. Ainsi le long-métrage commence par une scène fantasmatique où l'héroïne se retrouve dans un train bondé de gens nus, avant de se retrouver en compagnie de sa voisine dans une scène de saphisme proche du cinéma érotique et qui se conclura par un coup de poignard. Réalisé par un cinéaste dont les derniers films d'horreur seront littéralement des cauchemars, son Venin de la peur montre déjà son goût pour l’onirisme et le surréalisme au détriment de la dramaturgie classique dans les scènes où le spectateur partage les visions de l’héroïne. De même, Fulci flirte très brièvement avec le gore comme dans cette scène de vivisection où il s’attarde sur les dépouilles des chiens éventrés. Une vision qui annonce son goût pour la chair et les viscères dans ses films d’horreur comme L’Au-delà.

À l’instar de La longue nuit de l’exorcisme ou de Perversion Story, Fulci peut s’appuyer sur un casting solide où l’on retrouve l’ancien mannequin Florinda Bolkan qui reviendra devant la caméra de Fulci pour La Longue nuit de l’exorcisme.  À ses côtés, nous avons le héros de Perversion Story, Jean Sorel qui joue à la perfection un personnage intéressé qui s’avère lâche et sans envergure.  Enfin, le vétéran Stanley Baker vu dans Les Canons de Navarone, est aussi excellent dans le rôle d’un père qui essaye de gérer les délires de sa fille et sa carrière politique.

Le venin de la peur est un film ou la réalisation de Fulci n’est pas loin d’égaler la maestria d’un Dario Argento. Il reprend ici les expérimentations de Perversion Story qu’il pousse à leur paroxysme. Il fétichise les objets, utilise le split-screen (écran divisé) et use d’angles de caméra qui déforment la perspective pour construire un univers dans lequel le spectateur perd pied entre le réel et le rêve. Enfin, le final du long-métrage se joue avec malice des codes du giallo afin de nous dire que l'humain est un être faible qui se fourvoie toujours. Un métrage nihiliste de la part d’un réalisateur qui se complaît à filmer la descente aux enfers et la souffrance de ses protagonistes. Le venin de la peur est tout simplement l'un des meilleurs giallos jamais tournés !

Mad Will