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J’aime beaucoup Sylvester Stallone, qui a été malheureusement trop souvent réduit au statut de musculeux jouant dans des films d’action, alors que l’acteur a une carrière bien plus intéressante qu’il n’y paraît. Stallone possède une personnalité riche, c'est un amoureux de Poe et d'Argento, à la volonté sans faille et qui s'est sorti de la misère grâce au personnage qu'il a lui-même créé : Rocky . Un rôle de self-made-man qui se confond avec la personnalité d’un acteur également monteur, réalisateur et scénariste qui ne fera confiance qu’à lui-même pour mener à bien ses projets cinématographiques. On lui a souvent reproché sa mainmise sur les tournages, où il a beaucoup de mal à rester un simple acteur. Mais il ne faudrait pas oublier que c’est également sa capacité à occuper tous les postes techniques, qui lui a permis son retour ces dernières années avec Rocky Balboa ou The Expandables .

Moqué toute sa carrière pour sa lèvre tombante, enterré à plusieurs reprises par toute la profession, Stallone s’est relevé de tous les K.O. de la vie, à l'instar de son personnage de Rocky, qui résume parfaitement sa carrière d’acteur. Il a été ainsi cette Amérique utopique et sociale dans les années 70, avec son personnage de boxeur venu de Philadelphie. On le verra ensuite complètement dépassé par le succès et ridiculisé avant de devoir repartir sur le ring (Rocky 2 ) puis enivré par l’argent (Rocky 3 ). Il sera ensuite l’américain moyen croyant aux illusions libérales reaganiennes et, enfin, il incarnera la star oubliée qui remonte sur le ring (Rocky Balboa ). Au final, une carrière riche en grands films, mais aussi en nanars luxueux d’une efficacité redoutable comme Cobra .

Stallone, c’est aussi plusieurs incursions dans un cinéma que l’on pourrait qualifier d’auteur avec des œuvres comme le FIST de Jewison et le magnifique Copland , de Mangold sur lequel nous revenons aujourd’hui. Retrouvez à la fin de la critique, l’interview de Stallone par Didier Allouche à Cannes en 2019 qui vous permettra d'appréhender la carrière de ce dernier grand héros populaire du cinéma américain.

Que raconte Copland ?

Garrison, cité-dortoir du New Jersey, est surnommée «Copland», en raison des nombreux policiers new-yorkais qui y habitent. Freddy Heflin, le shérif de Garrison, rêve lui-même d'intégrer la police de New York. Un jour, alors qu'il regagne Garrison, Murray Babitch, un jeune officier de police, tue froidement deux Noirs. Son oncle, Ray Donlan, maquille le crime en acte de légitime défense, tandis que Babitch, donné pour mort, prend la poudre d'escampette. Moe Tilden, de la police des polices, est envoyé à Garrison pour enquêter. Pendant ce temps, le shérif Heflin découvre avec stupeur que la ville est le centre névralgique d'un vaste réseau de corruption organisé par Donlan en personne...

Le plus impressionnant quand on regarde Copland, c’est la subtilité du jeu de Stallone. L’acteur fait preuve d’une sensibilité à fleur de peau et s’avère excellent face à des partenaires aussi prestigieux que Ray Liotta, Harvey Keitel ou encore Robert De Niro. Stallone s’est beaucoup investi (20 kg de pris) pour un rôle qui devait lui permettre d’échapper à son statut de star d’action dans le cas d’un succès du film au box-office qui n'arrivera pas. Cinéaste intelligent et très exigeant en matière de casting, James Mangold n’a pas choisi l’acteur de Rocky par hasard. L’admiration de Stallone pour des comédiens reconnus comme De Niro, est assez semblable à celle de son personnage qui regarde avec envie les flics venus de New York qui ont réussi à devenir ce qu’il n'a pas pu être à cause de sa surdité.

Comme l’a confirmé par la suite sa filmographie, qui compte un remake de 3 h10 pour Yuma, la plupart des films de James Mangold sont très inspirés par le western. C’est le cas de Copland où l’on retrouve des motifs des films de cowboys avec cette séquence de la cellule de prison où Stallone attend l’aube pour partir avec son prisonnier. Nous retrouvons également des réminiscences visuelles du genre avec le réservoir d’eau et ce duel final à coup d’armes à feu. Enfin, le scénario est une variation contemporaine de l’histoire de nombreux westerns où une ville est aux mains de bandits contre lesquels un seul homme va devoir lutter : le shérif. À noter que Stallone porte le nom de Hefflin dans le film qui est le patronyme de l'acteur principal du western 3 h10 pour Yuma de 1957. Si Mangold reprend les codes du western dans son polar, c’est pour nous signifier que les USA n’ont pas beaucoup évolué depuis le 19e siècle. C’est un territoire non civilisé où la loi du plus fort prévaut sur l’idée même de société.

La mise en scène de Copland est très solide et n’abuse pas des effets de style. Une réalisation classique dans la droite lignée d’un Hawks avec une gestion des cadres parfaite et une lisibilité des scènes d’actions admirable. Excellent directeur d’acteurs, James Mangold se concentre avant tout sur les drames rencontrés par chacun des personnages. Le visuel du film est au service d’un scénario très bien écrit. Chaque action est importante et enrichit un récit où chaque personnage est très bien caractérisé.

Copland est à l’image de la musique de Bruce Springsteen, que l’on retrouve plusieurs fois dans la bande originale. C’est un film simple qui met en valeur un homme du peuple incarné par le dernier héros populaire du cinéma américain. C’est une œuvre qui rejette l’ironie et le cynisme pour nous raconter une histoire poignante qui nous invite à regarder le réel état de notre monde afin de nous engager pour changer les choses.

Quelque part entre Sidney Lumet pour le portrait d’une société corrompue et Howard Hawks pour l’élégance de la mise en scène, Copland est un très beau film qui n’a pas pris une ride et que je vous invite à voir et à revoir.

Mad Will