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Aujourd’hui un retour sur un film culte du cinéma fantastique, Re-Animator qui nous permettra de revenir sur une figure tutélaire du genre : M. Stuart Gordon qui vient malheureusement de nous quitter.

Ce cinéaste est un personnage essentiel de la série B américaine. Avant de devenir cinéaste, il a dirigé une compagnie théâtrale, l’Organic Theater Company, située à l’origine dans le Wisconsin. Mais très vite devant faire face aux ligues moralistes ulcérées par sa relecture de Peter Pan en mode anti-Vietnam, il part s’installer avec sa troupe à Chicago. Sa compagnie propose des adaptations de Richard III ou La ferme des animaux, mais aussi des productions originales comme Warp! (qui connaîtra les honneurs de Broadway) signées et dirigées par Gordon. L’Organic Theater Company proposera ainsi en avant-première Sexual Perversity in Chicago de David Mamet, l’un des dramaturges essentiels de l’art dramatique américain. À ce titre, des acteurs tels Dennis Franz ou Joe Mantegna ont fait leur premier pas au sein de cette compagnie. Pour comprendre le cinéma à venir de Gordon, il faut comprendre que l’homme vient d’un théâtre expérimental plutôt engagé. C’est un intellectuel assez contestataire qui abordera le 7ème art d’une manière originale avec Re-Animator.

Ce film est un projet porté par Brian Yuzna, producteur de série B qui deviendra un collaborateur régulier de Stuart Gordon dont il produira plusieurs longs-métrages tels Dolls ou From Beyond . Le garçon est aussi réalisateur et signera les suites de Re-Animator mais surtout le cultissime Society, monument du gore et critique acerbe des castes dirigeantes. Après des réalisations comme Progeny ou The Dentist, Yuzna s’envole en Espagne où il créera la Filmax (Fantastic Factory), un studio de genre européen avec Julio Fernández. Il rappellera à cette occasion son vieux complice Gordon pour signer une nouvelle adaptation de Lovecraft : Dagon.  Une petite anecdote savoureuse à connaître sur ce duo du cinéma d’horreur : ils ont longtemps possédé un bureau au sein de la Walt Disney Company. Nos deux papes du gore ont en effet vendu un concept à la firme aux grandes oreilles qui a eu un gros succès : Chéri, j’ai rétréci les gosses !

Enfin, Re-Animator est distribué par Empire, la société de Charles Band, l’un des papes de la série B et Z américaine des années 80 et 90. Ce producteur est le rejeton d’Albert Band, ancien assistant de John Houston, qui commença sa carrière à Hollywood avant de s’installer en Italie. Charles Band, à l’instar de son père, se lance dans la production par l’intermédiaire de séries B voire Z fauchées, dont certaines ont marqué profondément l’amateur d’étrangetés comme le réussi Tourist Trap. Son business va exploser avec le carton du marché vidéo que les grands studios font semblant d’ignorer. Sa société prend son envol et il rachète les studios de Laurentis en Italie où il produit de nombreux films à petits budgets chargés d’inonder le marché du cinéma à la maison. Re-Animator est ainsi l’un de ses premiers gros succès. Le dernier long-métrage produit par Empire et réalisé par Gordon sera Robot Jox qui devait être la superproduction maison. « Devait » seulement, car à l’instar de la Cannon, Band remboursait les films précédents avec les budgets des films à venir. Le film annoncé à 10 millions aurait été fait avec ce qu’il restait des deniers d’une firme au bord de la banqueroute. La chute de Robot Jox marquera la fin d’une période dorée où de petites productions pouvaient essayer de rivaliser avec les gros films hollywoodiens. Les studios d’abord rétifs à la VHS ont rattrapé leur retard au cours des années 80 avec des catalogues beaucoup plus fournis que les indépendants. Les années 90 deviendront difficiles réduisant les Band et autres nababs de la série B à des budgets microscopiques.

Re-Animator est donc le fruit d’une époque où l’explosion du marché vidéo a permis à de petits films d’être vus par le grand nombre. C’est une aussi une époque qui a permis à des auteurs au style affirmé comme Gordon de ne pas être soumis au diktat du politiquement correct des studios. Re-Animator est résolument une œuvre de mauvais garçon et sa création au sein d’une major aurait été impossible.

Mais que raconte le Re-Animator de Stuart Gordon ?

Herbert West, un étudiant en médecine, arrive dans l'université Miskatonic à Arkham, dans le Massachusetts, où il suit les cours du professeur Carl Hill sur la physionomie et le fonctionnement du cerveau. Très vite, les deux hommes s'opposent, car West prétend pouvoir vaincre la mort. Dans la cave transformée en laboratoire de Dan Cain, un autre étudiant, West, met au point une étrange mixture qui, selon lui, permettrait de réanimer les morts. Le chat de Dan est ainsi ramené à la vie…

Dès la première séquence, les intentions de Gordon sont claires. La caméra suit un homme en blouse blanche entouré de deux policiers. Il frappe à la porte qui s’ouvre brusquement. On découvre alors l’un des héros du film, West, un jeune scientifique obnubilé par ses recherches qui n’arrête pas de répéter que l’on ne doit pas le déranger au risque de ruiner ses expériences. À ses côtés un homme convulse, il finira la scène avec les yeux explosés en face caméra. Une infirmière crie sur West en lui répétant : « il est mort à cause de vous. » West regarde alors la caméra, et comme dans un aparté théâtral (moment où l’acteur s’adresse directement au public), il déclare : « Non grâce à moi il revit ! »

Dès l’ouverture, nous comprenons que l’œuvre sera gore et outrancière. Le cinéaste ne cherche pas le psychologisme. Re-Animator nous offre un spectacle digne du Théâtre du Grand-Guignol. Ce courant théâtral est né à Paris au 7, cité Chaptal, dans le 9e arrondissement et mettait en scène des situations macabres, sanguinolentes et exagérées. Ces représentations alternaient courts drames horrifiques et saynètes comiques. L’obscène se mêlait aux rires et aux cris de terreur. C’est tout l’esprit d’un Re-Animator où l’épouvante est exagérée et se mélange au burlesque sans recherche de vraisemblance. Le film s’appuie sur le jeu très physique et totalement halluciné de Jeffrey Combs. À noter également l’interprétation de David Gall dans le rôle de professeur Hill, qui devient à la fin du film totalement hystérique

Re-Animator est un héritier du passé de Gordon dans le spectacle vivant respectant l'unité de lieu avec cette morgue où la majeure partie de l’action se passe. Sa caméra mise peu sur le mouvement, privilégiant des plans de demi-ensemble lisibles et fixes où le spectateur assiste à une représentation théâtrale dans laquelle la chair occupe le premier rôle. À ce titre, la force de Gordon est de gérer habilement ses effets spéciaux qui passent encore bien à l’écran, car réalisés en live sur le plateau.  À l’inverse, les scènes d’exposition en dehors de l’hôpital sont plus télévisuelles. L’esthétique y est plus terne, et la mise en scène assez plate.

Dans la morgue, il crée des images folles, avec ce sérum aux couleurs fluo et ces corps qui se détruisent, mutent ou se lient dans toutes les positions. C’est un film irrévérencieux, qui se joue de la morale et des interdits. On se rappelle encore la tête arrachée de Hill qui se jette sur l’héroïne pour lui faire découvrir les joies du sexe oral. Re-Animator fait rire, mais jamais au détriment des personnages. Pas de second degré gênant dans le film, c’est l’outrance des scènes exposées qui enclenche nos zygomatiques. Le rire est un rempart créé par notre esprit pour affronter l’indescriptible, l’indicible Lovecraftien, qu’il adapte ici librement. Un pari osé quand on sait que beaucoup d’œuvres de l’auteur américain emploient le champ lexical de l’invisible.

Fun, décomplexé, outrancier, mais aussi gore et sexy, Re-animator est un classique de vidéoclub des années 80 que l’on prend toujours plaisir à voir et surtout revoir. C’est un film qui témoigne du talent d’un réalisateur vraiment trop sous-estimé et loin d’être le cinéaste d’un seul long-métrage. Je vous invite à ce titre à découvrir sa trilogie de l’horreur sociale réalisée dans les années 2000 qui est assez impressionnante : Stunt, Edmond et King of Ants. Des films forts qui dénoncent une horreur bien réelle : celle de la déshumanisation de nos sociétés.

À la tête d’une filmographie riche qui compte d’excellents films d’horreur (Re-animator, Beyond, Dolls), des séries B décomplexées (Space Truckers et Fortress ) et des films d’auteurs tel qu’Edmon, Stuart Gordon avec son classique Re-Animator méritait bien un retour sur Chacun Cherche Son Film.

Mad Will