Après un étrange accident impliquant un sous-marin nucléaire américain, Deepcore, une plateforme de forage immergée proche du site du crash, et son équipe, sont réquisitionnées par l’armée américaine pour enquêter.

 

Après le carton de Aliens , magnifique suite à contrepied du classique de Ridley Scott, la Fox décide de donner carte blanche à James Cameron qui va donc se lancer dans un projet qui lui tient à cœur : Abyss , l’histoire d’une équipe en plein cœur de l’océan qui se retrouve chapeautée par des marines patibulaires en charge de mener une enquête sur un accident de sous-marin à plus de 200m de fond. Un environnement claustrophobique parfait pour un huis clos angoissant mâtiné de SF, dans la lignée de Aliens donc…

 

Abyss , rassemble plusieurs des idées fixes de son réalisateur : sa passion pour les fonds marins (un rapide coup d’œil à sa filmographie nous rappelle cette marotte), son désir d’exploration et son gout pour le fantastique. Le film est donc une synthèse de l’univers cameronien avec, comme toujours, des moyens à la hauteur des enjeux. Car Iron Jim n’usurpe pas sa réputation de réalisateur exigeant (doux euphémisme) et, à y regarder de plus près, sa carrière est une succession de records et de tentatives de pousser plus loin la technique cinématographique. On l’a vu avec Avatar , Titanic et même Terminator 2 (qui reprendra les techniques d’effets spéciaux d'Abyss ), Cameron va toujours plus loin dans l’optique d’immerger au maximum le spectateur et de lui offrir un spectacle total. Et ça se voit toujours à l’écran. Même le premier Terminator (1984) au budget limité témoigne d’un investissement sans faille pour proposer du divertissement audacieux et généreux dans ses effets (on pense notamment à la séquence finale alors que le Terminator n’est plus qu’une armature).  Avec la Fox qui assure derrière, Cameron, épaulé par un budget de 70 millions de dollars, va donc investir un ancien site nucléaire et installer au cœur d’un réacteur la plateforme Deepcore, soit une structure de 36 tonnes coulée par 28 millions de litres d’eau. Abyss , c’est donc aussi un tournage de titan dont 40% se passe sous l’eau avec toutes les contraintes délirantes que cela implique : le temps passé à la préparation avec des comédiens qui attendent 5 heures sous l’eau le tournage d’une scène, le froid, la décompression etc. Pour simuler la profondeur de l’eau, une bâche et des billes noires opaques flottent à la surface et tout un système devra être mis en place pour pouvoir enregistrer les voix des acteurs en direct et pas en post production. Bref, une logistique titanesque pour donner une sensation d’immersion maximum. Il y a d'ailleurs énormément d’anecdotes de tournage qui témoignent parfaitement du petit calvaire que cela a été même si force est de constater que les efforts ont été payants, le résultat à l’écran étant unique.

L’ensemble participe complétement à l’ambiance du film, une atmosphère froide et métallique appuyée par la photo bleutée et renforcée par la réalisation de Cameron à laquelle Netflix rend parfaitement hommage avec cette copie sublime (même s'il ne s'agit pas de la version director's cut). Si vous n’avez pas encore vu ce film, n’hésitez pas une seule seconde et si vous l’avez vu sur le DVD édité en 93 retournez-y car la différence est frappante (le DVD de 93 souffrant d’un ratio heu… étrange). On a beaucoup écrit sur ce cinéaste qui allie parfaitement classicisme et spectaculaire et Abyss ne fait pas exception à la règle. Jamais pompier, Cameron est pourtant en permanence dans l’efficacité visuelle. Un sens de la narration par l’image décuplé dans Abyss puisque l’environnement se prête particulièrement aux actions sans dialogues. Ce qui frappe c’est aussi la manière d’allier le confinement, la claustrophobie avec une extraordinaire fluidité des mouvements de caméra. Le découpage est net et la première séquence avec l’incident dans le sous-marin édifiante, elle plonge le spectateur directement au cœur de l’action.

Cameron réussit à allier un dédale oppressant et anxiogène avec une mise en scène précise qui semble faire fi du peu d’espace et qui s’adapte bien à l’action. Que ce soit pour les séquences plus « intimistes » dans la plateforme, ou il est a priori difficile de mettre plus de 3 personnes dans le même plan, ou les moments beaucoup plus spectaculaires comme la course poursuite en sous-marins (tournés avec des maquettes) la gestion de l’espace de Cameron est désarmante. Alternant mouvements d’appareils mécaniques, caméra à l’épaule, steady cam ou caméra subjective, l'image donne véritablement la sensation d’être avec les personnages et plus les parois semblent se resserrer plus la caméra nous entraine avec eux. Quand Bud Brigman (Ed Harris) chute dans les profondeurs, nous tombons avec lui. Nous retrouvons à ses côtés Mary Elizabeth Mastrantonio dans un de ses meilleurs rôles, et le génial Michael Biehn, (Terminator et Aliens ).

 

Narrativement, Abyss est un peu à rebours des blockbusters traditionnels. En effet, le sort réservé à l’antagoniste entraîne un changement de thème dans le récit et le statut des aliens (inspiré par le dessinateur Moebius) ont désarçonné pas mal de spectateurs à l’époque, surpris de voir les codes de genre bouleversés. C’est que si le film amorce une trame sur le pétage de plomb d’un soldat un peu trop parano dans les bas-fonds, il garde en sous-texte une histoire d’amour. Toute la dernière partie remet ce thème au centre du film et de nombreux observateurs rappellent que Cameron était lui-même en plein divorce au moment du tournage. Coïncidence ? Je ne crois pas.

Abyss est un tout, et même s’il peut paraitre imparfait par certains aspects, avec notamment son flirt récurrent avec la mort et une résolution un peu trop premier degré (cela manque de mystère un peu tout ça), il offre des séquences impressionnantes (la scène de la résurrection reste un sommet du genre et marque encore les esprits aujourd’hui par sa puissance émotionnelle) et vaut largement le coup d’œil.

Doté d’un budget solide de 70 millions de dollars, le film sera considéré comme un échec. Sorti en France face à Batman de Burton il pâtira de cette concurrence et n’atteindra pas le succès escompté. Qu’importe puisqu’avec son film suivant Terminator 2, dont il est le producteur, Cameron renouera avec le carton ce qui lui permet aujourd’hui de concrétiser des projets qui lui tiennent à cœur et ce pour notre plus grand plaisir de spectateur.

En gros oui, on attend avec impatience Avatar 2.

T.K.