Le dessinateur de presse Aurel s’intéresse avec son premier long métrage d’animation Josep à la vie et au destin de Josep Bartoli, artiste et dessinateur catalan qui a fui le régime de Franco en 1939. Sous forme d’hommage à l’homme et à son talent, le film s’inspire d’évènements authentiques et revient sur un épisode peu connu et peu glorieux de l’histoire française, tout en faisant du dessin, et de l’art en général, un moyen de lutter contre l’oubli et de garder les souvenirs vivants.

La critique :

Le dessinateur de presse Aurel s’intéresse avec son premier long métrage d’animation Josep à la vie et au destin de Josep Bartoli, artiste et dessinateur catalan qui a fui le régime de Franco en 1939. Sous forme d’hommage à l’homme et à son talent, le film s’inspire d’évènements authentiques et revient sur un épisode peu connu et peu glorieux de l’histoire française, tout en faisant du dessin, et de l’art en général, un moyen de lutter contre l’oubli et de garder les souvenirs vivants.

Pour mettre en scène cette histoire vraie sur un passé oublié, Aurel travaille avec le scénariste Jean-Louis Milesi, collaborateur de Robert Guédiguian. Ensemble, ils élaborent une narration sous forme de flash-back. Valentin, un adolescent passionné par le dessin, rend visite à son grand-père, Serge, malade. Ce dernier se remémore février 1939,  juste avant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’à l’époque il était gendarme au moment de l’arrivée de près de 400 000 réfugiés espagnols suite à la guerre civile et la victoire de Franco. C’est la « Retirada », l’exode des républicains qui traversent les Pyrénées Orientales et arrivent en France, où ils sont parqués dans des camps, dans un dénuement total. Josep est l’un d’entre eux. Le voici à Argelès-sur-Mer, où il est témoin et victime de la maltraitance, de l’humiliation et du racisme. Heureusement, il rencontre Serge, bienveillant et dévoué, qui va l’aider à fuir.

Dans le camp, les civils sont dépouillés de leurs biens et subissent les violences et les injures d’un gendarme autoritaire et sans pitié, pour qui François Morel a prêté sa voix. Les conditions misérables dans lesquelles se retrouvent ces hommes et ces femmes mettent en lumière un aspect presque inconnu de l’histoire française. Certaines scènes dans le camp et les dessins de Josep viennent tristement rappeler les gravures des Désastres de la guerre de Goya. Il s’agit ici de donner un aperçu de la souffrance et de la détresse d’un peuple, de montrer une injustice, grâce au dessin.

La forme audacieuse de ce film dense à vocation historique oscille entre des scènes très animées et des plans fixes tremblants, notamment pour illustrer les souvenirs du grand-père. Aurel cherche à créer des ambiances, et son dessin vient répondre à une esthétique particulière : faire de l’image un accès à la mémoire d’un homme malade et mourant, un accès à ses souvenirs, parfois imprécis, tristes et difficiles. Lorsque finalement Serge retrouve Josep au Mexique où il a réussi à trouver refuge et où il vit désormais en compagnie de Frida Kahlo, les souvenirs s’animent et viennent se parer de belles et chaudes couleurs, contrastant avec le gris et le brun ternes du camp.

Le dessin vient lutter contre l’oubli et rappeler l’importance du souvenir, la nécessité de témoigner et de dénoncer, faisant du film une ode à la mémoire et à la transmission. Dessiner apparaît comme un besoin vital, pour Josep, pour Valentin, mais aussi pour le réalisateur lui-même qui n’hésite pas à faire du film d’animation un support pour traiter de sujets graves et sérieux.

Josep est un film délicat, juste, émouvant et vrai, tristement éclairé par l’actualité. Les camps des réfugiés espagnols rappellent ceux des migrants d’aujourd’hui, qui fuient la guerre et sont accueillis dans des conditions déplorables.

Camille Villemin

La bande-annonce :