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Plutôt que d’évoquer l’actualité bien morne du cinéma en ces temps de pandémie, je préfère tel un Indiana Jones de la cinéphilie aller creuser dans vos souvenirs et évoquer des longs-métrages souvent oubliés. Aujourd’hui, j’ai décidé de vous parler de Supergirl que je viens de revoir en Blu-ray et qui est sorti en salles en 1984. Un long-métrage produit par la famille Salkind surtout connue pour avoir financé les films de mousquetaires de Richard Lester et le premier Superman de Richard Donner.  Après un troisième Superman qui n’avait pas rencontré le succès escompté, les Salkind se sont dit qu’il serait peut-être temps de placer sous les projecteurs la cousine de Superman dont ils avaient également les droits.

Souhaitant conquérir un public féminin et adolescent, les producteurs lancent le projet avec Jeannot Szwarc aux commandes. Connu pour avoir sauvé le tournage de la suite des Dents de la mer du désastre, le cinéaste français formé à télévision américaine sur des séries comme Columbo ou Night Gallery de Rod Serling (créateur de La Quatrième Dimension et scénariste de La Planète des singes ), est considéré par tout Hollywood comme un solide technicien et semble un bon choix pour mener un projet nécessitant beaucoup de logistique comme Supergirl .

Jeannot Szwarc avait quelques années auparavant marqué les amoureux du fantastique (pas le grand public malheureusement ) avec un long-métrage intitulé Quelque part dans le temps mettant en scène Christopher Reeve . Souhaitant faire revenir l’acteur de Superman pour faire un caméo dans Supergirl, ces filous de Salkind espéraient profiter des bonnes relations entre Szwarc et Reeve . En effet, l’acteur a toujours considéré Quelque part dans le temps comme l’un des plus réussis des longs-métrages dans lesquels il a tourné. On le comprend aisément quand on découvre cette oeuvre adaptée par Richard Matheson d’après son propre roman. Cette magnifique histoire d’amour est tout simplement l’un des meilleurs films jamais réalisés autour des voyages temporels.

Supergirl sera un échec cinglant au box-office. Un bide qui n’est pas étranger à la réputation d’affreux nanard que se traîne ce film noté 4,1 sur IMDB. Jeannot Szwarc aura tout de même donné satisfaction à ses producteurs et signera ensuite Santa Claus toujours pour les Salkind . Un nouveau bide qui conduira à Szwarc à travailler sur des longs-métrages de moindre envergure. Le cinéaste tournera ainsi des films avec Christian Clavier en France avant de revenir à la télévision américaine pour signer des épisodes de Fringe, Heroes ou encore de Smallville qui raconte l’enfance de Superman.

Quand on met le Blu-ray de Supergirl dans le lecteur de son salon, on est plutôt étonné par la facture technique du film. Les personnes qui considèrent ce long-métrage comme une série Z mal torchée, n’ont sans doute aucune idée de ce que peut-être un véritable nanard ! Je les invite donc à voir d’urgence L’homme Puma d'Alberto De Martino ou les sous Mad Max venus d’Italie qui pullulaient dans les vidéoclubs dans les années 80.

Il suffit de voir le montage de la séquence avec le tractopelle devenu fou pour comprendre pourquoi Jeannot Szwarc avait la réputation d’être un solide réalisateur. Alors qu’il se passe énormément d’événements à l’écran, Szwarc nous offre un découpage d’une pression assez bluffante où le spectateur n’est jamais perdu bien que l’action se passe à l’échelle d’un quartier et mette en scène de nombreux personnages. Nombre de blockbusters actuels (dont les budgets dépassent allègrement les 200 millions de dollars) ne proposent pas de scènes d’action aussi lisibles et efficaces. Le réalisateur est ici secondé par l’excellent chef opérateur Alan Hume qui nous offre des images très colorées dignes des meilleurs pages de comics. Directeur de la photographie du Retour du Jedi , Lifeforce ou Runaway Train , son expérience en Angleterre sur la série Chapeau melon et bottes de cuir le prédisposait sans doute à mettre en lumière des univers fantasmagoriques inspirés par la BD.

Du point de vue du casting, les comédiens font plutôt bien le job. Totalement inconnue à l’époque, Helen Slater, dont c’est le premier rôle d’envergure, s’en sort avec les honneurs. Elle arrive ainsi à nous faire croire à son personnage de kryptionnienne un brin naïve. Choisie à la place de Brooke Shields qui semblait avoir du mal à rentrer dans le costume nécessitant une plastique parfaite, elle ne paraît jamais ridicule dans sa tenue oscillant entre le pyjama coloré et l'ensemble de pom-pom girl. Pour la soutenir, les Salkind ont engagé un casting d’acteurs confirmés. On retrouve tout d’abord Peter O'Toole , le Lawrence d'Arabie de David Lean, qui grâce à un talent hors norme, sonne toujours juste même quand il interprète une sorte de magicien hippie venu de krypton. Jamais avare de conseils pour Helen Slater dont c’était le premier film, il se conduisit en gentleman sur les plateaux ou en dehors. On ne dira pas la même chose de Faye Dunaway qui reçut le plus gros cachet du film pour jouer Selena la sorcière. Dotée d’un charisme naturel que peu d’actrices d’Hollywood possèdent, Dunaway surjoue la méchante sorcière avec une délectation visible à l’écran. À la manière de Gene Hackman sur Superman ou d’un Max Von Sydow sur Flash Gordon , sa prestation théâtrale sied bien à un méchant de bande dessinée. Sa conduite sur le plateau fut par contre moins glorieuse. Elle fut ainsi menacée de renvoi par la production après les plaintes répétées de l’équipe technique et des autres comédiens qui n’en pouvaient plus de son comportement de diva. Nous retrouvons enfin dans des petits rôles, des acteurs comme Mia Farrow ou le Britannique Peter Cook vu chez Richard Lester et Stanley Donen. Du bien beau monde devant la caméra de Jeannot Szwarc !

Un réalisateur solide, de bons interprètes… Pourquoi le film a-t-il été oublié et souffre-t-il d’une réputation si peu flatteuse ? La réponse est pourtant simple : son script. Comme le disait Henri-Georges Clouzot : "pour faire un film, il faut premièrement une bonne histoire, deuxièmement une bonne histoire, troisièmement une bonne histoire", une maxime malheureusement ignorée par les initiateurs du projet. Le scénariste du film n’est pourtant pas un inconnu : David Odell a en effet fait ses classes sur le Muppet Show. Il venait également de signer le script de l’excellent Dark Crystal quand il fut engagé par les Salkind . Avec Supergirl , il voulait proposer aux spectateurs un conte de fées mettant en scène une méchante sorcière qui en veut à la vie de la cousine de Superman . Szwarc indique avoir été très enthousiaste à la lecture du scénario, mais de ce sript il ne reste selon ses propres dires pas forcément grand-chose à l’écran. Quand le français signe, son scénariste est déjà au bord de l’épuisement et veut passer à autre chose. En effet, il ne cesse de revoir et revoir sa copie jusqu'à l'écoeurement. Ainsi, l’histoire de Supergirl qu’on voit à l’écran correspond surtout aux notes des producteurs et du studio et semble très éloignée du script qu’Odell avait en tête.

Dans sa version de 2h06 présente sur le Blu-ray, Supergirl est ainsi bourré d’invraisemblances qui ont nui à la réputation du film. Ce n’est pas étonnant quand on sait que le script final a été encore modifié durant le tournage. Des personnages ont été ainsi supprimés ou bien réécrits, que ce soient le sorcier Nigel ou bien le jardinier amoureux fou de notre héroïne en jupette rouge. L’ouverture du film est à ce titre révélatrice de ces changements continuels sur le scénario. On y voit l’héroïne devenue adulte se comporter comme une enfant de 7 ans (ce qui était son âge dans le script final disponible sur le Net à cette adresse https://www.imsdb.com et datant de 1983 ) et causer la destruction de la cité. Mais ces réécritures concernent également le montage du film. Szwarc est plus ou moins invité à quitter la salle de montage. Pour sa sortie aux USA, le film passe ainsi de 126 minutes à 90 minutes environ.

Supergirl annonce tout simplement les dérives du cinéma hollywoodien actuel. On pense tout particulièrement à des œuvres comme Les Nouveaux Mutants de Josh Boone sorti par Disney ces derniers mois. Un long-métrage qui a été monté puis remonté pour obtenir le résultat peu concluant qu’on connaît. Un film où s’est succédé plus de 8 scénaristes qui ont écrit en tout et pour tout 14 scripts afin de satisfaire des costards cravates convaincus que des études dans la finance leur ont permis de savoir comment écrire et tourner un film.

Pour autant, Supergirl conserve un certain charme malgré un scénario pas vraiment au niveau. Grâce à la réalisation de Jeannot Szwarc et ses interprètes, le film vaut bien mieux que le laisse supposer sa terrible réputation. De plus, Supergirl a le mérite d’aborder le genre superhéroique par le biais de la fantasy, une idée intéressante mais pas menée à son terme dans le long-métrage. À voir ou revoir sans aucune honte surtout que Jerry Goldsmith n’a pas à rougir par rapport à John Williams question musique dans le film !

Naïf et rafraichissant ! À découvrir !

Mad Will