Comment lutter contre l’impossibilité de créer ? C’est justement ce qu’Arthur Joffé parvient à réaliser avec son documentaire Le Feu sacré, en faisant de cette impossibilité le matériau même de la création, ici cinématographique.

Ce film est disponible sur UniversCiné à l'adresse : https://www.universcine.com/films/le-feu-sacre

La critique :

Voilà désormais plus de dix ans que le réalisateur n’a rien filmé. Pourtant, l’inspiration ne manque pas. Ses scénarios s’accumulent mais les producteurs, les « seigneurs » du monde du cinéma, n’en veulent pas. Difficile donc de mettre en œuvre ses projets, notamment du fait de moyens économiques dont dépend malheureusement le désir d’expression. Car oui, le cinéma, s’il est un art, est aussi une industrie, et le documentaire d’Arthur Joffé tend implicitement à le rappeler. Cependant, il parvient à se défaire de ces contraintes pour trouver un autre moyen de réaliser ce désir de filmer, un moyen intime et personnel, celui du documentaire qui prend une forme très libre. Tantôt essai, tantôt témoignage, son film capture des instants et les met bout à bout dans une recherche sincère et émouvante de vérité et d’authenticité.

La réalisation s’est faite sur trois ans, pendant lesquels il filme ses amis, ses proches et ses connaissances, qui se livrent souvent à des témoignages sur leur relation avec le réalisateur, mais aussi sur leur propre vie. Maurice Lamy, un de ses meilleurs amis qu’il appelle « Momo », lui rappelle sans cesse, non sans s’énerver, qu’il n’a pas tourné depuis dix ans : « fais quelque chose ! (…) T’es un taulard chez toi ! », lui crie-t-il. Arthur Joffé pose ses scénarios, vend sa voiture et achète une caméra numérique pour filmer, seul et sans budget, son quotidien.

Son film se transforme en un vagabondage cinématographique. Il emmène le spectateur partout avec lui, aussi bien dans la banalité de la vie ordinaire que dans des évènements plus exceptionnels, comme un voyage à New-York où les chauffeurs de taxi s’énervent et se crient dessus, où les musiciens jouent du jazz dans le métro, où une famille attablée célèbre Pessah en chantant et riant. Des instants simples, mélancoliques, parfois décousus, qui ne veulent célébrer qu’une seule chose : l’amour du cinéma. Arthur Joffé filme la vie, les gens et les choses qu’il aime, mêlant ainsi des images du quotidien, des échanges téléphoniques ou des conversations vidéos, des extraits de ses propres films qu’il regarde sur son ordinateur, comme pour se rappeler que le cinéma existe à portée de main et qu’il faut continuer.

Alors, ce « feu sacré », c’est cette pulsion créatrice qui anime le cinéaste, mais aussi tout artiste. Arthur Joffé rappelle l’importance du geste cinématographique dans ce journal filmé qui ne tombe jamais dans l’autoportrait mais reste toujours à la limite entre le monde extérieur et intérieur, conduisant le spectateur des couloirs de son appartement au labyrinthe de sa mémoire, en passant par les rues animées de Paris et les allées du Jardin du Luxembourg sous le soleil couchant d’un soir de printemps.

Ce petit film apparemment « sans queue ni tête », comme le dit le réalisateur, est une ode à la création, à l’art, et une incitation à l’action. Arthur Joffé crée à partir de rien, de la banalité du quotidien, pour en dégager toute la beauté et dire son amour du cinéma.

Camille Villemin

Ce film est disponible sur UniversCiné à l'adresse : https://www.universcine.com/films/le-feu-sacre

L'interview du réalisateur :