Sean Connery fut un immense acteur au charisme indéniable qu’il n’en déplaise à un certain Alfred Hitchcock sur Pas de printemps pour Marnie , qui n’avait pas été tendre avec lui comme avec la plupart de ses comédiens. Il aura démontré durant toute sa carrière, une sacrée capacité d’adaptation, se réinventant à plusieurs reprises, réussissant à tenir le haut de l’affiche pendant plus de 40 ans. Connery c’est une filmographie passionnante ou il alterne productions cossues et films plus personnels à l’instar du Zardoz avec Boorman ou bien de The Offence de Sidney Lumet .

À Chacun Cherche son film nous célébrons les artistes. Je vous propose de lui rendre hommage en parlant de ses films et que de ses films (à la différence de nombreux charognards dans les médias actuellement) avec une sélection de critiques et ainsi de célébrer ensemble Sir Sean Connery tout simplement.

# L'homme qui voulut être roi de John Huston

Il était une fois un réalisateur qui rêvait d'adapter les récits de Rudyard Kipling (Le Livre de la jungle...) alors qu'il menait une vie d'aventurier au côté de Pancho Villa. Alors qu'il était au crépuscule de sa carrière, ce souhait devint une réalité avec l'adaptation de la nouvelle l’Homme qui voulut être roi en 1975. Pour réussir ce projet, il décida de réunir devant sa caméra, le gratin des acteurs cinéma britanniques avec Sean Connery et Michael Caine. Un choix de casting plutôt amusant quand on sait que Michael Caine joua dans les années 60, un concurrent de James Bond par le biais du personnage Harry Palmer apparu dans Ipcress, danger immédiat.  

L'homme qui voulut être roi est tout simplement la quintessence du cinéma d’aventures. On retrouve ainsi un trésor dissimulé dans un temple caché, un territoire oublié, des cartes, une princesse envoûtante, et des chutes d’eau dignes du Temple du soleil d’Hergé. Nous sommes ici invités au voyage et à l’exotisme, grâce à l’utilisation de décors grandioses. Ce long-métrage filmé dans de magnifiques sites marocains, nous dévoile ainsi un Kafiristan de légende par le biais de splendides extérieurs. Il faut noter que John Huston avait déjà fait le choix d’un tournage en extérieur avec African Queen dans les années 50, à une époque où le studio était privilégié à Hollywood, en raison d’un matériel de prise de vue imposant et peu maniable. L'homme qui voulut être roi profite des avancées technologiques en matière de prise vue dans les années 70, avec une caméra mobile qui nous fait traverser de gigantesques cités fourmillantes de vie. Pour donner à ses images un certain gigantisme, Huston use avant tout de la profondeur de champ. Il place ses acteurs loin de son objectif pour en faire de minuscules silhouettes égarées dans des décors imposants qu’il filme en plan grand ensemble. On retrouve ainsi le souffle épique d'un David Lean et de son cultissime Lawrence d'Arabie dans les scènes de batailles ou s'affrontent des milliers de figurants. Si David Lean était un cinéaste romanesque qui mettait en valeur les idéaux de ses personnages, les héros de Huston restent des hommes de la rue qui se sont élevés tout seuls. Voleurs, manipulateurs, Caine et Connery peuvent faire preuve d’un grand sens de l’honneur quand on aborde la franc-maçonnerie dont ils sont membres. Courageux, parfois moralistes, ils sont cependant capables d’actes assez ignobles comme lorsque Michael Caine jette un passager indien hors du train. L'homme qui voulut être roi est au final l’histoire de deux hommes qui veulent à tout prix échapper à un monde moderne qui n’a plus besoin d’eux. Nos deux gaillards ont bien conscience qu’un destin tragique les attend. Mais ils préfèrent partir à l’aventure que de devenir les héros des Désaxés , le western crépusculaire de Huston, où les cowboys sont voués à devenir l’ombre d’eux même et disparaître dans l’Amérique de l’après-guerre.

Suggérés par Paul Newman qui avait été envisagé à un moment pour jouer dans le film, Caine et Connery sont tout simplement fabuleux. On sent que l’amitié entre les deux hommes n’est pas feinte. L’ancien 007 est impérial en aventurier viril qui finira par se convaincre d’être une divinité, prenant goût à un certain mysticisme. De l’autre côté, Caine joue le plus malin des deux. Il est la parfaite incarnation du méchant garçon qui singe les bonnes manières, mais n’oublie jamais qu’il vient du peuple. Les deux interprètes à la carrière plus qu’impressionnante considèrent encore et toujours le long-métrage de Huston comme leur préféré.  Nous sommes bien obligés de leur donner raison quand on pense à la bouleversante séquence du pont où ils font face à la mort et entament The Son of God Goes Forth to War.

Un classique de l’aventure porté par une partition musicale de haute volée signé Maurice Jarre qui mêle musique arabisante et envolées épiques. Une œuvre indémodable, preuve une fois encore du génie de Huston qui nous a offert tant de classiques. L'homme qui voulut être roi occupe tout simplement une place de choix dans mon panthéon cinématographique. Un film qui fait rêver, rire et pleurer, réfléchir, tout simplement un monument du cinéma.

# La Grande Attaque Du Train D'Or de Michael Crichton

Amoureux du roman feuilletonesque, des ouvrages de Maurice Leblanc et de son célèbre gentleman cambrioleur, le film que j’ai sélectionné pour vous devra vous plaire. On y retrouve le charme d’une littérature populaire du temps passé où les mauvais garçons n'étaient pas dénués de classe. À la manière d'un Gaston Leroux, je vous adresse aujourd’hui une invitation rédigée à l’encre magique pour vous inviter à découvrir avec moi un très grand film populaire remarquablement écrit qui mêle aventure, comédie et scènes de cambriolage de haut vol.

Il vous suffira de vous munir d’une bougie pour révéler le titre du film écrit à l’encre sympathique que nous allons aborder. La flamme s'approche délicatement du papier, le nom du long-métrage apparaît : La Grande Attaque Du Train D'Or de Michael Crichton. Tendez l’oreille. Des hennissements de chevaux résonnent au loin. Munissez-vous à présent de votre plus belle redingote et partons pour le XIX ème siècle. Une calèche vient de s'arrêter devant votre poste de télévision, je vous demanderai de la prendre. Ça y est vous êtes bien installé. Votre véhicule vient de quitter votre salon et remonte à présent la célèbre Baker Street. Nous passons devant le 221 où un incendie s'est déclaré au deuxième étage d'une demeure bourgeoise. Alors que notre fiacre a du mal à s'avancer dans la foule, nous entendons murmurer plusieurs badauds qui se plaignent d'un certain Sherlock Holmes qui ferait des expériences plus qu'étranges chez lui.

Nous quittons la rue pour nous arrêter une centaine de mètres plus loin devant la demeure d'un certain Edward Pearce. Il est interprété dans le film par un certain Sean Connery connu pour son incarnation de James Bond. Il faut bien dire que l’acteur d’origine écossaise est parfait dans ce rôle de bandit au grand cœur. Doté d’un charisme sans égal, à la fois mauvais garçon et grand seigneur, il est parfait en génie de la cambriole qui se joue des codes de la haute société pour mieux lui vider les poches. Nous quittons à présent notre calèche et nous nous avançons vers la demeure qu’il occupe avec ses complices. Notre regard est alors happé par une jeune femme brune à la beauté incandescente, une certaine Myriam. Elle vient de pénétrer la demeure de notre bandit au grand cœur. Incarnée par l’actrice Lesley-Anne Down, nous sommes envoûté par tant de beauté. Brune à la chevelure magnifique, son regard perçant hypnotise notre esprit. Lesley-Anne Down trouve ici l’un des meilleurs rôles de sa carrière. Elle interprète à merveille cette femme de caractère qui doit survivre dans un monde où les bourgeois pensent pouvoir s’acheter n'importe quel corps en échange de quelques billets. Michael Crichton fait de Myriam une figure volontaire qu’il oppose aux femmes embourgeoisées, soumises et frustrées comme le rappelle ce magnifique dialogue à forte connotation sexuelle extrêmement bien écrit entre Connery et la femme du banquier qui n’a qu’un souhait : profiter de la virilité de son interlocuteur.

Le seul reproche que l’on pourrait faire au film est peut-être le manque de relief de la réalisation de Crichton. Scénariste habile, l’écrivain n’a jamais été un grand metteur en scène, son découpage manquant de rythme. Heureusement, il peut compter sur une belle direction artistique et l’un des plus grands chefs opérateur anglais Geoffrey Unsworth qui éclaira Tess (en partie), Cabaret ou 2001 . Sa participation technique offre une belle patine aux images. On peut soupçonner que l’habile technicien a dû gérer une partie de la mise en scène. En effet, ce film est la plus grande réussite de son réalisateur surtout connu comme écrivain au cinéma.

Mais il est tard et nous devons nous éloigner de la demeure d’Edward Pearce. Notre vie quotidienne se rappelle à nous malheureusement. Fini les héros au grand cœur et les brunes incandescentes qui ne ressemblent pas aux femmes enfants du cinéma actuel. Retour brutal à un présent où le cinéma commercial se fait exclusivement à la destination des plus jeunes, où les seuls acteurs âgés à l’écran ressemblent à des créatures sous botox en mode Freaks .

Il nous faut maintenant quitter les douces images de La Grande attaque du train d'or. Notre voyage est fini, nous nous réveillons sur notre canapé anonyme made in IKEA. Le générique du film défile et vous vous dites simplement que vous avez passé un excellent moment devant ce long-métrage. Et c’est déjà beaucoup !

# La Rose et la Flèche   de Richard Lester

Les héros légendaires vieillissent-ils ou possèdent-ils la jeunesse éternelle comme Peter Pan ?  Dans le cas de Robin des bois, il est d’autant plus difficile d’imaginer un prince des voleurs âgé alors que l’on garde en mémoire les images du long-métrage de Michael Curtiz avec le sautillant Errol Flynn. Mais Richard Lester qui avait déjà réveillé l’Angleterre avec les Beatles, ne pouvait se limiter aux récits populaires autour du héros de la forêt de Sherwood maintes fois représentés à l’écran. En 1976, il nous proposait donc de découvrir un Robin des Bois fatigué qui a rejoint Richard Cœur de Lion dans ses croisades. Et il faut bien se l’avouer, le portrait que le film nous dresse du roi anglais est plus qu’amer. Comme dans la réalité historique, le seul coeur que possède Richard semble être dans son patronyme. Fatigué des massacres à répétition, Robin s'oppose à son souverain qui mène une attaque contre un château sans défense pour trouver un trésor. Une statue soi-disant couverte d’or qui ne peut exister que dans l'esprit des conquistadors ou d'anciens croisés avides de sang.  Alors que Robin doit être exécuté pour avoir refusé d’obéir à son monarque, celui-ci est atteint d‘une flèche et meurt loin de son royaume. Dégagé de ses obligations par rapport à son roi, il est temps maintenant de rentrer pour Robin et son fidèle Petit Jean. Mais à son retour, les contrées de sa jeunesse en Angleterre ne sont plus que les vestiges d'un glorieux passé, surtout que sa douce et tendre Marianne est entrée dans les ordres après avoir tenté de se suicider.

Pour incarner Robin et Marianne, Lester s’appuie sur un Sean Connery qui s’approche de la cinquantaine et sur une Audrey Hepburn qui revient ici au cinéma après huit d’années d’inactivité. Le réalisateur se sert donc de leur aura et de leur physique toujours superbe, mais marqué par le temps pour son film à une époque où Hollywood privilégiait déjà la jeunesse et les coups de bistouri.

Notre prince des voleurs préféré retrouve ainsi son ennemi intime le Shérif de Nottingham et décide de reprendre sa lutte contre le pouvoir. Mais le héros est usé, même s’il a conservé en paroles sa fougue d’antan. Il y a ainsi beaucoup d’humour dans ce film qui nous expose les difficultés rencontrées par Robin pour reproduire ses actions d’antan comme dans cette abracadabrantesque évasion du château où il peine à se sauver avec Petit Jean. À ce titre, alors qu’il peut les faire abattre d’une simple flèche, Le Shérif ne fait rien et les regarde blasé en soupirant.  

Le rapprochement avec Peter Pan en amorce de cette critique est donc plutôt judicieux concernant le film, car le réalisateur dénonce en filigrane l’héroïsme aveugle et juvénile d'un Robin prêt à envoyer à la mort une armée de paysans juste pour servir sa légende. Il agit donc comme enfant qui aurait refusé de grandir et qui tente de reproduire ses faits de jeunesse alors que ceux qui l’entourent ont bien conscience que leur temps est révolu, à l’image du Shérif. Lester privilégie ainsi un certain réalisme qui évacue toute notion de spectaculaire. Pas de décors de studio magnifiés par le Technicolor comme dans la version d'Errol Flynn, avec ses acteurs au physique avantageux trainant au second plan, le réalisateur privilégie ici les ruines où s’imprègnent les stigmates de la misère par le biais des visages marqués par la malnutrition de la population où l'on compte quelques édentés.

our autant, même si le film égratigne l’héroïsme, La Rose et la Flèche est avant tout une oeuvre romanesque qui propose l’une des plus belles histoires d’amour vues au cinéma. C’est tout le génie de Lester que de nous offrir une oeuvre qui démystifie l’héroïsme des récits chevaleresques afin de signer un film autour de "l’amour courtois". La Rose et la Flèche est en effet un superbe long-métrage sur l'amour au-delà de la pensée (Puisqu'Amour l'ordonne écrivait Chrétien de Troyes dans Lancelot, ou le chevalier de la charrette ) comme le montre ce final qui restera à jamais gravé dans la mémoire de ses spectateurs.

(Spoiler) À ce titre, la déclaration d’amour de Marianne à Robin lorsqu’il découvre qu’elle les a empoisonnés tous les deux est bouleversante. Cette fin tragique est aussi l'instant le plus romantique du film, car pour la première fois les deux amants vont réussir à se déclarer leur amour en même temps, comme si la mort seule pouvait leur permettre vivre pleinement leur idylle.  On comprend aisément le parti pris de Lester de commencer son long-métrage par la vision d’un Richard Cœur de Lion devenu un fou sanguinaire. En effet, Marianne souhaite pour Robin un destin différent de celui du désabusé Richard. Son geste meurtrier est au final le seul moyen pour que la légende de son bien-aimé ne soit pas altérée au moment même où dans la foret de Sherwood les hommes de Robin sont exécutés à cause de l’héroïsme suranné du plus célèbre prince des voleurs.  Et pour conclure le film, Lester filmera Robin utilisant une dernière fois son arc et demandant à son fidèle compagnon Petit Jean de l’enterrer avec Marianne à l’endroit où la flèche touchera le sol. Le génie du réalisateur anglais sera alors de conclure le film avant que le projectile ne touche le sol, car les héros sont éternels tout comme l’amour qui liait Robin à Marianne. (Fin Spoiler)

Un grand film à voir et à revoir

# Bandits, bandits de Terry Gilliam

Le jeune Kevin est persuadé que son placard est un tunnel spatio-temporel depuis qu’un chevalier est venu visiter sa chambre. Réveillé une nuit par 6 nains malicieux qui ont dérobé la carte du temps à l’Être Suprême, il répond alors à l’appel de l’aventure et s’embarque avec ses compagnons de petite taille dans un voyage dans le temps, où il rencontrera aussi bien Robin de bois qu'Agamemnon dans un récit plein d’humour et bourré d’idées. À l’instar de Fisher King , des Aventures du baron de Münchhausen ou encore de Brazil, le merveilleux est ici la clef pour résister à l’adversité dans notre monde cartésien. Gilliam souligne l’importance de continuer à savoir rêver dans un monde de plus plus uniformisé qui finira par ressembler à un jeu télévisé, comme il l’annonce de façon prophétique dans la conclusion du film. Encore sous l’influence de son expérience au sein des Monty Python, il a recours à un humour absurde assez réjouissant quand il nous présente un Napoléon d’opérette obsédé par sa petite taille ou un Robin des Bois à la tête de gueux pas très malin. Le réalisateur de Brazil nous offre également des instants éminemment poétiques qui deviendront sa marque de fabrique quand nos héros s’écrasent contre un mur invisible ou font face à un géant. Rajoutez à cela un casting solide avec des acteurs comme Sean Connery, David Warner, Shelley Duvall, Ian Holm sans oublier Michael Palin et John Cleese et vous obtenez un mix improbable entre L'Histoire sans fin et Sacré Graal ! Un grand film à redécouvrir !

# Outland... loin de la Terre de Peter Hyams

Outland ce sont avant tout des souvenirs liés à la défunte chaîne de la télévision française nommée La Cinq. Connue pour avoir diffusé Twin Peaks, elle proposait régulièrement les bandes-annonces des films à venir qui faisaient marcher à plein régime mon imagination d’enfant. À ce titre, représentez-vous donc à l’aube des années 90 l’état d’excitation du petit Mad Will, qui venait de découvrir la saga Highlander , et qui voit apparaître sur son écran cathodique une pub pour la diffusion d’un film de science-fiction nommé Outland, avec Sean Connery le maître d’armes de Lambert. À cette époque, Internet n’existait pas encore et il fallait souvent attendre des jours et des jours avant de pouvoir enfin voir le film. Si l’attente créait de la frustration, elle s’avérait tout de même bénéfique, car elle faisait travailler l’imaginaire et donnait ainsi plus de valeur aux choses. Ainsi, j’ai toujours considéré que la nostalgie des quadragénaires pour les longs-métrages des années 80 était liée aux conditions de visionnage des films plutôt qu’à leur qualité intrinsèque.

Mais que raconte le film ?

La Ligue des nations industrialisées a installé sur Io, un des satellites de Jupiter, une station d'extraction de sulfure. O'Niel vient d'y prendre ses fonctions en tant que chef de la sécurité. Les ouvriers sont souvent victimes d'accidents graves. O'Niel découvre rapidement que leur fréquence est proportionnelle au rendement exceptionnel dont se vante Sheppard, le chef de la station. Bien qu'ébranlé par le départ soudain de sa femme, Carol, il entreprend une enquête à hauts risques. La présence de drogue dans le sang d'un cadavre mène O'Niel sur la piste d'une filière dont il appréhende bientôt l'un des passeurs. Mais son témoin à charge est supprimé...

Selon la légende, Peter Hyams souhaitait à l’origine réaliser un western, mais les studios ne voulaient plus de projets de films mettant en scène des héros portant des colts alors que La guerre des étoiles était devenue le modèle à suivre en raison de son carton planétaire au box-office. Surtout qu’Alien en 1979, n’avait fait que confirmer l’intérêt du public pour la science-fiction. Connu pour son film Capricorne One sur un faux atterrissage sur Mars en 1978, Hyams est alors contacté par les studios pour livrer une oeuvre de SF. Pour écrire son scénario, déçu de n’avoir pu filmer des héros avec des éperons et des chapeaux de cow-boy, il va s’inspirer du Train sifflera trois fois avec Gary Cooper. On retrouve ainsi dans Outland la figure du shérif (un ranger ici) qui doit affronter seul des tueurs à gages dans une cité peuplée de couards. Ancien journaliste, Hyams va également développer dans le genre, un discours social en opposition au reaganisme naissant de l’époque. En effet, la cité minière où travaille Sean Connery est aux mains de grands consortiums qui sont prêts à sacrifier leurs ouvriers au nom de la sacro-sainte croissance. Le film s’avérera ainsi au final, une condamnation du capitalisme qui privilégie le rendement à l’individu.

À l’instar d’un John Badham qui œuvrait à la même époque sur Wargames ou La fièvre du samedi soir, on est frappé par l’efficacité de la mise en scène et le sens du cadre d’un Peter Hyams souvent chef opérateur sur ses films et qui méritait bien plus que sa réputation de faiseur de séries B. Dès l’ouverture, le cinéaste nous dévoile le décor mortifère de son long-métrage à travers de ridicules structures industrielles métalliques où quelques lumières disparates rappellent qu’il y a bien de la vie dans ces zones arides plongées dans les ténèbres. Puis il nous fait pénétrer dans les bâtiments, où il emploie de nombreux surcradrages durant tout le film pour emprisonner visuellement ses personnages dans cet enfer industriel.  À cet égard, le soin apporté par le cinéaste pour donner vie à une cité minière vraisemblable dans l’espace influencera un certain James Cameron pour les intérieurs de la station sous-marine d’Abyss .

Porté par une histoire simple, mais parfaitement écrite avec des personnages à la psychologie fouillée, le film possède une bande originale de qualité signée par Jerry Goldsmith et peut compter sur un Sean Connery dont le jeu impressionne ici. Tout en sobriété, il incarne un personnage solitaire qui n’est pas un héros, mais un homme qui décida un jour d’ouvrir les yeux et ainsi de conserver son humanité.

Outland est un grand film de science-fiction à voir ou revoir absolument.

# Le Nom de la rose de Jean-Jacques Annaud 

Avec Le nom de la Rose , Annaud signe le meilleur film de sa riche carrière qui compte pourtant pas mal de classiques tels que Coup de tête , La Victoire en chantant ou L'Ours . C’était pourtant loin d’être gagné, car le livre d’Umberto Eco avait la réputation d’être inadaptable. En effet, le roman du sémiologue italien est la fois un traité sur l’Art, un policier médiéval, une réflexion sur la morale, et un exposé sur la pensée au Moyen Âge.

Annaud pour arriver à synthétiser cette oeuvre somme, fera appel entre autres à Gérard Brach le scénariste fétiche de Polanski et Andrew Birkin, collaborateur fidèle de Kubrick , qui lui proposeront pas loin d’une quinzaine de versions du script. Outre ses scénaristes prestigieux, Annaud va engager Dante Ferretti pour les décors, un cador dans le domaine qui a collaboré avec Terry Gilliam , Martin Scorsese ou Fellini . Son chef opérateur, il part également le chercher en Italie, en choisissant Tonino Delli Colli qui signa la lumière d’ Il était une fois en Amérique et dans l’Ouest . Enfin, il a pu compter sur Bernd Eichinger pour tenir les cordons de la bourse, un producteur allemand qui avait frappé fort à l’international avec le film germano-américain L'Histoire sans fin .

Annaud va faire preuve d’un souci du détail assez impressionnant, en faisant appel au médiéviste Jacques Le Goff afin de donner vie à un Moyen Âge moins reluisant que l’image habituellement donnée par Hollywood. Mais fallait-il encore des hommes pour incarner les êtres de papier du roman. Annaud engage alors Sean Connery pour le rôle principal. Il faut dire que l’acteur écossais l’a harcelé de longues semaines pour obtenir des essais qui enthousiasment le réalisateur français. Un retour au premier plan défendu par Annaud contre l’avis de la plupart des agents d’Hollywood qui déclarent l’acteur fini. Connery prouvera le contraire en tournant dans Le nom de la Rose , Highlander et Les Incorruptibles quasi à la suite. À ses côtés, on retrouve Michael LonsdaleRon Perlman et un jeune acteur débutant Christian Slater, tous dirigés de main de maître par Annaud .

Le cinéaste français réalise un film réaliste dans sa description historique quotidienne du monastère. Il n’hésite cependant pas à faire appel à un certain formalisme par le biais d’une lumière crépusculaire et cadre avec un plaisir évident les gueules à la Bruegel de la plupart des habitants du monastère. Annaud a un savoir-faire technique bluffant grâce une caméra souvent mobile, mais il sait aussi prendre son temps et s’attarder sur les visages. Il concilie ici à merveille le spectaculaire et l’intime.

Avec son scénario parfait, son casting impressionnant et sa réalisation inspirée, Le nom de la Rose est un film que l’on pourrait qualifier de parfait. Il l’est encore plus grâce à la bande originale de James Horner. Le compositeur qui n’avait qu’un mois pour créer la musique va concilier l’électronique et les instruments anciens. Ses compositions dans le film se veulent le reflet de la lutte entre l’obscurantisme et la raison. Les basses synthétiques et les cordes basses créent des ambiances crépusculaires où le mal semble partout. En opposition, il utilise des ensembles à cordes usant d'instruments de La Renaissance dans les moments où la raison est mise en valeur par notre moine érudit interprété par Sean Connery.

Le nom de la Rose est tout simplement un chef d’œuvre

# Highlander de Russell Mulcahy

Je vous propose de revenir aujourd'hui à une époque où Freddie Mercury enchantait les stades du monde entier avec son groupe Queen à coup de riffs endiablés. Dans les années 80, le cinéma hollywoodien misait alors sur des réalisateurs de clips dont un certain Russell Mulcahy qui s’était fait un nom dans son Australie natale avec son sanglier géant Razorback. Quant à la France, un acteur du nom de Christophe Lambert était devenu une star à Hollywood pour son rôle de Tarzan dans Greystoke. Le film Highlander allait réunir tous ces talents et nous proposer un mélange assez inédit de romanesque et de fantastique. La célèbre maxime du film "il ne peut en rester qu'un"  correspond ainsi parfaitement au premier volet d’une saga Highlander dont les suites sont oubliables.

Highlander est avant tout l’histoire d’un combat incessant entre des producteurs obsédés par la rentabilité (les suites le prouveront) et des artistes qui essayaient de mener un projet artistique jusqu’au bout. On pense au scénariste du film, Gregory Widen qui se fera déposséder de son scénario qu’il avait écrit alors qu’il était étudiant à l’UCLA. L’histoire originale était en effet très sombre et évoquait avant tout la lassitude de vivre d’un immortel. Présent sur le tournage, Widen a vu son script être modifié en permanence par des financiers qui s’attireront les foudres de l’acteur Clancy Brown (Le Kurgan) qui se retrouvera à jouer un personnage beaucoup plus basique que dans le script. Du côté de la réalisation, Mulcahy va entrer très tôt en résistance contre ses producteurs, en décidant de donner le rôle principal au frenchy Christophe Lambert. À propos d’Highlander, le réalisateur évoque un tournage guérilla où l’argent manquait toujours. Il fallait donc au jour le jour trouver des stratagèmes pour économiser. Ainsi, pour ne pas utiliser d'effets optiques, l'équipe du film décida de relier les épées à des batteries de voitures pour créer des effets d’électricité au moment où les lames s’entrechoquent. Dernier obstacle pour la réalisation du film,  l’équipe a dû s’adapter au planning plutôt serré de Sean Connery qui voulait passer le moin de temps possible sur les plateaux.

Malgré toutes ces contraintes, Mulcahy a signé un film de fantasy ambitieux et audacieux qui sera un gros succès en Europe mais qui restera totalement inconnu outre-Atlantique. Déjà en difficulté et habitué à distribuer du Chuck Norris, la firme Cannon a totalement raté la sortie américaine avec une affiche d’une laideur peu commune où l’on retrouvait une photo en noir et blanc de Lambert.

Mais que raconte le film ?

En 1536, deux clans écossais s'affrontent dans une guerre sanglante. Au cours des combats, Connor MacLeod est mortellement blessé par le cruel Kurgan. Il survit pourtant. Effrayés, les membres de son clan chassent le miraculé. Commence alors une errance infinie. Il rencontre Juan Sanchez Ramirez, un aristocrate espagnol âgé de plus de 24 siècles. C'est ainsi que le guerrier écossais comprend qu'il fait partie lui aussi de la race des élus, celle des Immortels. Il lui faut résister et traverser les siècles jusqu'au jour du «rassemblement», où l'un d'eux pourra conquérir le «prix», un pouvoir dont personne ne sait rien. Pour y parvenir, MacLeod doit décapiter tous les Immortels...

Comme dans Razorback, Mulcahy s’avère particulièrement inspiré au niveau de la réalisation. On se souvient de son utilisation sur Highlander, de caméras installées sur des câbles qui donnaient des vues aériennes splendides qui sont très proches des plans réalisés par drones actuellement. Avec son découpage travaillé, son emploi du grand-angle, ses mouvements de caméra fluides dont il abuse parfois, le film reprend le rythme effréné des clips rock de l’époque et use de cadrages dans l’esprit des comics books. Vous détesterez l’esthétique du film si vous ne supportez pas les néons, mais la réalisation typée années 80 a encore belle allure presque 40 après sa sortie. À noter que les scènes de combats à l’épée sont très bien chorégraphiées et rendent parfaitement la puissance des coups et le poids des armes. Il est à noter que le film a sans doute inspiré les créateurs de Game Of Thrones quand on voit la scène d’affrontement entre La montagne et son frère qui est une reprise du dernier combat entre Sean Connery et le Kurgan dans Highlander. Enfin, le film est précurseur en matière de montage avec un Russell Mulcahy qui utilise la plupart du temps des raccords dans le mouvement sur un objet ou un décor pour nous indiquer le passage d’une époque à une autre. On se souvient ainsi de cette caméra qui filme un aquarium à New York en 1980 et qui ensuite grâce à un mouvement vertical surgit dans un lac d’Écosse, nous faisant remonter presque 500 ans en arrière dans la vie de MacLeod .

Le film est devenu également culte pour les chansons de Queen qui donnent beaucoup de punch et de force à l’ensemble. Alors que Queen devait signer une seule chanson, le groupe est inspiré par les premières images du long-métrage et compose au final de nombreux titres tels que Princes of the Universe, Gimme the Prize ou Who Wants to Live Forever qui marqueront les spectateurs de l’époque. Le reste de la bande originale est une composition symphonique signée Michael Kamen dont le Highlander Theme est une référence en matière de composition épique au cinéma.

Évidemment, malgré tout l’amour que je porte au film, il est loin d’être parfait. Outre une esthétique marquée par son époque, le scénario du film use souvent de raccourcis parfois faciles comme par exemple en introduisant comme personnage principal féminin une médecin légiste qui s’avère par le plus grand des hasards être une spécialiste mondialement reconnue des épées. De la même manière, on se demande ce qu’a bien pu faire le kurgan durant des centaines d’années.

La grande force d’Highlander est d’être une histoire de chevalerie dans la lignée des aventures du Capitaine Alatriste d’Arturo Pérez-Reverte. Mulcahy nous offre ici un beau film de cape et d’épée où l’amitié et l’amour jouent un rôle essentiel. C’est également un film dont on se souvient pour certaines séquences très émouvantes. On pense ainsi à la scène qui montre la bien-aimée de notre héros vieillir alors que résonne Who want’s live forever de Queen. Il y a également ce très beau passage où l’on voit notre héros sauver un enfant des mains des nazis en se servant de son corps comme bouclier. Avec un sourire qui n’appartient qu’à lui, Lambert murmure alors à la gamine effrayée qui deviendra plus tard son associée : It’s a kind of magic.

De magnifiques paysages, un Lambert vraiment bon, une belle complicité entre le français et Sean Connery qui transparaît à l’écran, cette histoire originale nous change des blockbusters actuels sans émotion qui multiplient les punchlines pour faire rire le spectateur. À voir et revoir !

Un dossier écrit par Mad Will