Ghost sur Netflix : https://www.netflix.com/fr/title/60010395

Ghost fait partie de ces longs-métrages que l’on revoit avec une certaine appréhension en se demandant si le temps a été assassin avec une œuvre qu’on avait découverte alors qu’on entrait à peine dans l’adolescence. Je serais franc avec vous, au moment même où je lançais Ghost sur Netflix, je me souvenais surtout du film pour la scène de la poterie maintes fois et maintes fois parodiée.

Alors que le générique d'ouverture défile, certains noms me rassurent quand même par rapport à la qualité du long-métrage. Ghost compte en effet des techniciens hors pair comme Walter Murch considéré tout simplement comme le meilleur monteur d’Hollywood. Collaborateur de Coppola , Philip Kaufman ou Anthony Minghella , il participa à de nombreuses innovations techniques du 7ème Art. Il a été l’un des concepteurs des systèmes audio à cinq voies, le fameux 5.1. Il aura également révolutionné le montage en inventant un adhésif spécial pour diminuer les imperfections lorsque l’on coupait la pellicule pour combiner les plans entre eux. Enfin, il a été l’un des pionniers du montage numérique au cinéma. Un grand monsieur plusieurs fois oscarisé dont le livre En un clin d'oeil est une référence pour comprendre comment associer des plans et créer du sens. À ses côtés, officie la costumière Ruth Morley, une artiste qui aura travaillé sur le Superman de Donner . Le film compte également dans ses rangs le chef opérateur de Terminator et Maurice Jarre , l’illustre compositeur de Lawrence d'Arabie . Une équipe de choc au service du réalisateur Jerry Zucker afin de lui permettre de faire le meilleur film possible.

Avec Ghost , le cinéaste changeait de style après avoir coréalisé des parodies telles qu’ Y a-t-il un pilote dans l'avion ? ou Top secret ! Il faut savoir que dans le cadre des comédies réalisées avec son frère David Zucker et Jim Abrahams , c’est lui qui s’occupait plus particulièrement des détails techniques tandis que ses deux comparses réfléchissaient aux gags devant le combo vidéo. Il était évident qu’il allait prendre son indépendance et s’attaquer un jour ou l’autre à d’autres genres. Quand il découvrit le scénario de Bruce Joel Rubin qui traînait à la Paramount depuis de longues années, ce fut un coup de cœur mais le scénariste refusa de donner son script à un réalisateur officiant jusqu’alors dans la comédie. Zucker se rend alors au domicile de Rubin pour lui parler de sa vision du film. Après avoir discuté, les deux hommes deviennent amis. Le projet est alors lancé !

Après avoir convaincu son scénariste, Zucker n’est cependant pas au bout de ses peines. Les vedettes masculines qui comptent à Hollywood refusent le rôle principal. Cruise ou Harrison Ford ne veulent pas jouer un fantôme et craignent le mélange des genres dans le film. Rubin insiste alors pour caster Patrick Swayze en arguant qu’il a écrit le rôle en pensant à l’acteur. Zucker n’est pas convaincu, mais finit par accepter. La prestation de l’acteur lors des essais est concluante et il est engagé. Un choix gagnant, car on oublie trop souvent que feu Patrick Swayze était quand même un sacré bon acteur ! Il suffit de voir une série B comme Road House pour s'apercevoir que le garçon arrive à tout jouer et possède un sacré charisme. Dans Ghost , pendant 90% du film, il ne fait qu’observer. Devenu fantôme, il ne peut en effet interagir sur le monde des vivants. Par le biais de sa voix, ses déplacements, il reussit tout de même à s’imposer à l’écran malgré le peu d’actions à accomplir. 

Si Demi Moore a été engagée à cause de son statut de star en devenir, Whoopi Goldberg doit avant tout son rôle à Swayze qui a insisté pour qu’elle soit castée. Pour Zucker , elle est l’âme du film car elle donne la possibilité à notre héros devenu fantôme de rester connecté au monde des vivants. Mais surtout l’actrice joue avec un naturel qui permet au film de passer avec une grande facilité des rires aux larmes.

Lors de ce nouveau visionnage de Ghost sur Netflix, le film s’est avéré meilleur que dans mes souvenirs d’adolescent. J’ai été particulièrement frappé par le découpage. Je pense tout particulièrement à la séquence du meurtre de Swayze dans le premier tiers du long-métrage. Nous avons une succession de plans assez brefs où notre héros et son agresseur ne cessent de passer devant le champ de la caméra. On entend alors une balle et la caméra opère un panoramique (mouvement d’appareil de la gauche vers la droite). Zucker filme à présent une rue où l’on voit l’agresseur s’enfuir. Swayze rentre à son tour dans le plan et le poursuit, mais il est distancé. Il revient sur ses pas. La caméra tourne alors autour de notre héros qui découvre horrifié son cadavre. Ici la caméra prend le point de vue du personnage et permet aux spectateurs de prendre conscience du choc émotionnel ressenti par le héros qui découvre qu’il est mort.  C’est simple et d’une lisibilité absolue avec une caméra qui compte sur l’intelligence du spectateur plutôt que de surligner ses effets.

Je vais prendre un autre exemple pour vous faire comprendre le travail du réalisateur et du monteur sur le film. Après le meurtre, nous retrouvons dans un hôpital Patrick Swayze qui ne comprend pas son état et rencontre un autre fantôme. La discussion commence alors par un champ-contrechamp (on filme sous un angle donné, puis on filme la même scène sous l’angle opposé), mais au fur et à mesure que notre héros prend conscience qu’il est un fantôme, le montage inclut les deux protagonistes dans le même plan.

Ghost compte avant tout sur le langage cinématographique pour expliciter les enjeux de son script aux spectateurs. Nous retrouvons ici la lisibilité du cinéma classique, ce qui n’est pas pour me déplaire. À ce titre, les effets spéciaux sont utilisés avec parcimonie par Zucker . C’est plutôt un bon choix qui permet au film de plus ou moins bien bien passer les époques alors que les effets d’I.M.L. ne sont plus de première fraîcheur.

Enfin, le film peut compter sur un scénario plutôt bien écrit. À la différence de trop de séries et de longs-métrages actuels qui abusent des sous-intrigues qui ne mènent à rien, le script de Ghost est un modèle d’efficacité. En effet, le moindre détail à son importance dans le scénario et servira un moment dans l’intrigue, que ce soit cette rencontre fortuite dans le métro du début du film ou bien cette séquence dans laquelle Demi Moore range les papiers de Patrick Swayze. Le script arrive à alterner le thriller, le romantisme et l’humour avec une grande habileté grâce à des personnages solides qui sont à l’image de nos vies où nous passons du rire aux larmes. J’ai lu ici ou là que le film était trop catholique. Athée pur et dur, je n’ai pourtant pas été gêné, car Rubin qui a écrit aussi l’excellent Échelle de Jacob ne tombe jamais dans le prosélytisme. Il s’inspire d’une image catholique en introduisant un paradis et un enfer, mais il ne le fait jamais en faisant la promotion des hommes en soutane.

Au final, Ghost est un très bon film hollywoodien qui divertit son spectateur pendant plus de deux heures en lui offrant des frissons, de l’émotion et des rires grâce à une Whoopi Goldberg déchaînée. Sincèrement dans le cinéma commercial actuel, ce genre de film où chacun des intervenants a fait le meilleur boulot possible pour proposer un divertissement efficace et soigné me manque beaucoup.

À voir où à revoir !

Mad Will