Zahira (Lina El Arabi, révélation), jeune lycéenne belge d’origine pakistanaise, tombe enceinte et n’arrive pas à se résoudre à avorter. Dans sa culture, la seule solution pour que la famille garde son honneur est le mariage. Modernes dans leur traditionalisme, ses parents lui proposent de sélectionner un prétendant pakistanais via Internet. Fidèle à sa famille mais chérissant aussi la liberté promise par le modèle occidental, la jeune fille hésite à suivre le chemin dégagé par ses parents ou à tracer le sien propre.

Sur un sujet délicat, Stephan Streker réussit un film particulièrement juste et percutant. Ce qui frappe dès les premiers plans et se confirme jusqu’à la fin, c’est d’abord le talent de l'actrice principale, Lina El Arabi. Grâce à son regard franc et à sa voix grave, elle compose un personnage féminin fort, mêlant la beauté à l’effronterie en évitant le double écueil de la naïveté et de la vulgarité. A l’exception du grand frère, incarné de façon trop falote, le reste du casting est du même acabit. On prend ainsi plaisir à voir la mutine Alice de Lencquesainq interpréter la meilleure amie de l’héroïne et le délicat Olivier Gourmet le père de celle-ci. Ce qui séduit ensuite, c’est l’empathie de la caméra du réalisateur belge, dont les cadrages serrés nous permettent de lire les expressions des personnages au plus près, entrant en résonance avec l’un des thèmes transversaux du film : la compréhension, l’amour liant les êtres. Pour ne rien gâcher, la photographie, chaleureuse, a beau jeu de capter la beauté de costumes flamboyants, et le sujet du film – la difficile conciliation de deux héritages culturels pour les enfants d’immigrants – est non seulement intéressant mais traité avec intelligence. Tout le génie du réalisateur est de parvenir à rester impartial, à n'occulter ni les avantages ni les inconvénients de chacun des deux paradigmes dont il filme l'affrontement. Audacieux, il va même jusqu’à frustrer nos désirs de spectateur habitué au triomphe du compromis, symptomatique de l’idéologie libérale s’ingéniant toujours à nous faire croire qu’il est possible d’avoir le beurre et l’argent du beurre, en assumant une fin amère... Bravo !

F.L.