Lorsque deux jeunes prostituées roumaines sont rapatriées de Paris, un journaliste ambitieux travaillant pour l’AFP à Bucarest flaire le reportage de l’année. Travaillant comme fixeur (c’est-à-dire accompagnateur-interprète) pour le compte d’une équipe de journalistes français, il accumule les petits arrangements avec l’éthique afin de convaincre l’une des jeunes filles de témoigner, contre l’avis raisonnable des bonnes sœurs qui, conscientes du traumatisme qu’elle a subi, cherchent à la protéger du monde extérieur le temps qu’elle se reconstruise.

Après son récent Illégitime qui osait déjà dépasser les bornes du politiquement correct non pas gratuitement mais pour mieux poser des questions morales un tant soit peu consistantes, le réalisateur roumain Adrian Sitaru revient avec une nouvelle petite bombe interrogeant cette fois-ci notre tendance à la manipulation. A travers son journaliste de personnage principal, il donne d’abord à voir et à réfléchir sur les dessous de la fabrication des images, enjeu crucial de notre époque. Dans une scène magistrale que nous vous laissons découvrir, il va même jusqu’à montrer que les méthodes des journalistes pour obtenir le pseudo-consentement de leurs interviewés s’apparentent à celles de proxénètes. Passant en revue les différentes formes de manipulation psychologique auxquelles nous avons constamment recours sans même nous en apercevoir, de la flatterie la plus innocente au chantage le plus perfide, le réalisateur double l’intrigue principale d’une intrigue secondaire dans lequel le protagoniste, sous couvert d’aider son beau-fils à briller en natation, satisfait par procuration ses propres intérêts narcissiques. Les effets de parallélisme sur lesquels joue le réalisateur sont vraiment pertinents car ils nous poussent à porter un regard critique sur les manipulations ordinaires que nous aurions tôt fait de considérer injustement comme anodines...

F.L.