Le mystère Jérôme Bosch aurait pu s’intituler Visions du Jardin des Délices. En effet, le film est loin de se focaliser sur la personnalité du peintre hollandais, dont on sait surtout que l’on ne sait rien. Il se concentre plutôt sur son célèbre triptyque où une multitude d’êtres humains, d’animaux et de fruits s’entremêlent dans des agencements si baroques qu’ils inspireront les surréalistes. Sur fond de musique lyrique, la caméra de José Luis López-Linares explore les nombreux micro-détails du tableau, que le grand écran permet d’apprécier bien mieux qu’on ne le pourrait à l’œil nu. En alternance, elle filme également historiens de l’art, artistes et penseurs spécialement invités par le réalisateur et qui, absorbés dans la contemplation du Jardin des Délices, nous livrent ce qu’ils ressentent face à lui ou ce qu’ils y lisent. Leurs témoignages croisés montrent la fécondité non seulement esthétique mais aussi culturelle de cette pièce maîtresse de Jérôme Bosch dont l’imagination foisonnante, originellement faite pour alimenter les échanges au sein de la confrérie à laquelle il appartenait, continue des siècles plus tard à susciter la discussion. L’un des grands intérêts d’une œuvre si riche est en effet de favoriser la coexistence des interprétations les plus variées. José Luise Lopez Linares, à travers son documentaire éblouissant, fait l’éloge de cette ouverture du sens. On lui en sait gré.

Florine Lebris