Olivier Babinet nous fait pénétrer à l’intérieur du collège Claude Debussy d’Aulnay-sous-bois où il interroge Aïssatou, Mariyama, Abou, Nazario, Astan, Salimata, Naïla, Aaron, Régis, Merveille, Paul et Elvis sur leurs rapports aux autres, à Paris, à la politique, à l’amour, à la religion, au futur. Le réalisateur filme frontalement les collégiens et donne la parole à ces pré-adolescents à rebours de tout positionnement condescendant, alors que d’ordinaire ils sont abondamment évoqués par les journalistes et les sociologues sans qu’on les entende. A mesure que Swagger avance, la ségrégation socio-spatiale cesse alors de n’être qu’un concept désincarné. Sa mosaïque de portraits corrode salutairement nos catégories en démontrant que « le jeune de banlieue » n’existe pas, que sous les capuches se cachent des personnalités aussi riches et variées que dans n’importe quel groupe humain. Ce n’est pas pour autant, bien évidemment, que des régularités ne se font pas jour. Tous ces élèves n’ayant jamais eu de camarades blancs de leur scolarité ont en commun la conscience d’habiter un territoire stigmatisé, dans un monde clairement divisé entre un « eux » (« les Français de souche ») et un « nous » (« les Arabes et les Africains »). Pour oxygéner leur polyphonie, Olivier Babinet les met en valeur dans des interludes triomphants, mélancoliques, bucoliques ou fantastiques, qui apportent dynamisme et humour à un film qui est tout le contraire de la peinture morose d’une banlieue grise. Bouleversant d’humanité.

F.L.