Après son Homme irrationnel dépressif, Woody Allen explore à nouveau la vie sous l'angle de la « comédie écrite par un scénariste comico-sadique ». Il s'amuse à reconstituer le Hollywood de la fin des années 30 autour d'un imprésario, Phil Stern, et de sa cour d'egos avides de notoriété. Il s'amuse aussi à mettre une scène la famille juive de ce magnat du cinéma, dont les différents protagonistes ont tous une façon ''singulière'' de s'être approprié leur héritage spirituel (les méthodes "peu orthodoxes" de réglement des conflits par le fils aîné donnent lieu à un gag récurrent savoureux). On suit surtout le cadet des neveux, Bobby, qui s'émancipe du carcan familial en étant introduit par son riche oncle dans le gratin hollywoodien. Timide et inexpérimenté, intellectuel chétif double du réalisateur à l'écran, il est talentueusement interprété au tressaillement de ridule près par le précis Jesse Eisenberg. Face à lui, deux nouveaux visages, et non des moindres, chez Woody Allen : Kristen Stewart, langoureuse à souhait, et Blake Lively, si joliment gironde. Bobby s'éprend de la première quand elle est encore secrétaire et maîtresse de Phil Stern, chargée par lui de lui faire découvrir la ville. Les deux jeunes gens, incarnés par des stars hollywoodiennes contemporaines, se moquent de la vanité de tout ce monde superficiel dans une mise en abîme réjouissante. Pourtant, les sentiments se laissant subjuguer par les apparences malgré les avertissements de la raison, c'est sans surprise pour l'homme arrogant et charismatique que le cœur de la jeune fille s'emballe, délaissant l'adorable naïf. Le réalisateur recycle cet éternel triangle amoureux sans faire preuve d'une originalité époustouflante. Néanmoins, il reste les éléments qui donnent de la saveur à tout cru allenien : de pures scènes d'humour juif, une B.O. jazzy impeccable, un bel hommage à New York... Il reste la satire gentille de la « café society », ce petit monde où se divertissent ensemble dans les établissements luxueux qui correspondent à leur niveau économique commun hommes d'affaires, politiciens, journalistes et mafieux. Il reste enfin la conclusion tautologique mais non moins sage, concernant les fantasmes au cinéma comme en amour autour d'êtres inaccessibles, qu' « un rêve, ce n'est jamais qu'un rêve ».

F.L.