L’ours d’or pour Fuocoammare est tout à fait mérité. Gianfranco Rosi filme la vie d’un jeune adolescent et celle d’un animateur radio résidant sur l’île de Lampedusa et l’arrivée de migrants venus d’Afrique pour qui cette île est la première étape à atteindre pour rejoindre le continent européen. Ce film est extrêmement émouvant, le fait d'avoir filmé d'une façon séparée la vie du garçon (et celle de l'animateur radio) et celle des migrants est totalement pertinente. C'est en effet ce que nous ressentons quand nous écoutons de loin les récits et témoignages des migrants dans les médias. Le fait de montrer cette séparation alors qu'il y a proximité géographique a beaucoup de sens. Il n'y a qu’un médecin qui apparaît dans chacun de ces deux mondes séparés, il soigne le garçon et il soigne aussi les migrants quand ils débarquent sur l’île, et cela ne va pas pour lui sans conséquences. Cependant le film montre subtilement une perméabilité entre les deux mondes. Paradoxalement les images peuvent être très crues (image de cadavres dans la cale d’un bateau) et le film sembler très pudique par l'absence de voix off envahissante. Ce documentaire est esthétiquement très réussi, tout en verticalité, qu'elle soit naturelle (les falaises) ou artificielle (le pont des bateaux). Il y a quelque chose du phare dans ce film et l'on retrouve encore ici du sens.

L.S.