Antoine visite sa famille en province après dix ans d’absence. Il a une grande nouvelle à annoncer. Sa venue suscite beaucoup d’affects contradictoires...

Xavier Dolan adapte au cinéma la pièce à cinq personnages de Jean-Luc Lagarce. Cela lui permet d’aborder les constructions identitaires non seulement dans la relation aux parents, mais aussi à la fratrie et aux conjoints. La diversité des tempéraments en présence fait basculer le psychologisme de ses précédents films vers une peinture plus universelle de l’incommunicabilité entre les êtres. Le jeune réalisateur montre ainsi l’enfermement de chacun des personnages dans une certaine inertie caractérielle qui empêche de s’ajuster à l’autre autant qu’il serait souhaitable et entraîne quantité de dialogues de sourds. C’est que l’appréhension de l’altérité passe par l’étiquette qu’on a posée sur lui parfois une fois pour toutes afin d’en réduire la vertigineuse complexité. Ainsi Antoine, monté vivre à Paris, est-il perçu par les femmes de sa famille comme le fils prodigue tandis que son frère aîné, qui le perçoit davantage comme une menace, préfère ne voir en lui qu’un artiste par définition snob et déconnecté des réalités de la vie matérielle. Toutes les tentatives d’Antoine, interprétées au travers du prisme de la paranoïa fraternelle, sont tuées dans l’œuf. Même sa délicatesse passe alors tragiquement pour de la condescendance. Contrairement aux jeux explosifs de ses habituels acteurs nord-américains, Xavier Dolan confie cette fois sa partition aux jeux plus mesurés des acteurs français. Marion Cotillard et Gaspard Ulliel nous régalent particulièrement de leur interprétation toute en finesse, où tout se joue dans le regard et les tressaillements de rictus. Intense.

F.L.