Inspiré d’une histoire vraie, Vierges est le premier long métrage de la réalisatrice israélienne Keren Ben Rafael. A Kiryat Yam, une petite station balnéaire oubliée d’Israël, la rumeur se répand qu’une sirène a été aperçue dans les flots. Les médias relayent l’affaire et le maire de la ville promet un million de dollars à celui qui apportera une preuve de l’existence de la créature.

Dans Vierges, la légende de la sirène naît du récit de Vladimir, vieux rêveur et pilier du café de la plage. Déserté depuis longtemps, le bistrot reste fermement tenu par Irina qui aimerait bien pouvoir compter sur l’aide de Lana, son ado rebelle. Seuls Vladimir et ses quelques amis, rejoint par la petite Tamar en vacances chez sa tante Irina, squattent le café l’après-midi et ressassent de vieilles histoires. Ce jour là, Vladimir raconte très ému celle de la sirène de Kiryat Yam que sa mère aurait aperçue des années auparavant. Tamar est transportée, Lana consternée. Elle n’en convainc pas moins Tchipi, le beau journaliste de passage, d’en faire un article dans le journal local. Alors la ville se réveille. Mais Lana n’est pas dupe de cette soudaine effervescence : l’agitation qui anime la plage de Kiryat Yam ne lui fera pas oublier son rêve de quitter cet environnement sinistre et de partir pour Tel Aviv.

Vierges doit son nom au passage pour Lana de l’adolescence à celui de l’âge adulte dont sa romance avec le journaliste fait partie. C’est aussi une allusion à la place que prend la croyance dans le film. Si la rumeur de la sirène ne réveille rien d’autre que du cynisme chez certains, elle est aussi à l’origine d’une aura mystique qui enveloppe brusquement la ville grise et bétonnée. Lana croit en entendre le chant, tandis que la petite Tamar voit en cette sirène le fantôme de sa mère décédée. L’aspect féérique que peut parfois prendre le film est souvent rattrapé par l’angoisse, les dettes et la solitude d’Irina. Immigrée russe coincée dans son café, cette mère célibataire est de celles  dont les histoires traversées ne laissent guère de place à la rêverie. Elle forme, avec les deux plus jeunes, un trio de femmes passionnant.

En invoquant le mythe de la sirène et plus discrètement celui du Juif errant, Keren Ben Rafael livre un premier film onirique, où la quête d’une sirène ( comme la quête du Rayon Vert ) est, à défaut de trouver le magique, une occasion unique de rencontrer son réel.

S.D.