Réalisé par Jim Henson, le papa du Muppet Show et de 1, rue sésame, et son complice Franck Oz, Dark crystal est un film d’heroic fantasy d’une beauté fracassante. Le film, presque entièrement réalisé avec des marionnettes, témoigne d’un artisanat touchant qui propose, séquences après séquences, un univers visuel extrêmement riche peuplé de créatures mythiques. 

Loin de l’humour décapant de Kermit la grenouille ou de Miss Piggy et avant le Labyrinthe (celui de 1986 bien sûr...) Jim Henson et Franck Oz penchent clairement du côté du conte avec une narration empreinte du voyage initiatique chère à Campbell alliée à la noirceur des fables. Jen est un jeune Gerfling, dernier survivant d’une race exterminée par d’horribles créatures : les Skeksès. Ces derniers règnent en maitre sur la planète et asservissent tous les autres peuples. Mais les temps sont sur le point de changer. En effet, une prophétie annonce l’arrivée d’un Gerfling qui pourrait réussir à ramener la paix dans le royaume...

Voir ou revoir Dark Crystal c’est surtout se plonger dans l’époque révolue d’un certain artisanat dans la création de décors et des costumes à l’heure du tout numérique. Bien avant le règne du fond vert, le film a le charme des productions « faites maisons » sublimées ici par une direction artistique visionnaire et un travail de longue haleine. Pas de surprises venant de la part de Jim Henson et de son vieil ami Franck Oz, marionnettiste dans le Muppet Show mais aussi animateur et voix de Yoda (l'idée de structurer les phrases à l'envers c'est lui), et également futur réalisateur du remake de La petite boutique des horreurs. Un duo qui s’enrichit d’une collaboration avec le dessinateur Brian Froud, dont les histoires prennent place dans des univers peuplés de fées et de gobelins.  Le résultat est sidérant d’inventivité et très généreux dans ses effets. Le film est entièrement pensé pour le spectateur et chaque plan vise à l’immerger au maximum. Une richesse visuelle qui doit beaucoup au travail de titan effectué sur les marionnettes.

Préparez-vous à en prendre plein la vue avec cette œuvre à la pointe de l’animatronics et qui, près de 35 après sa sortie, fait toujours de l'effet. Dark crystal est une aventure totale et ambitieuse qui déborde de détails et regorge de créatures ayant chacune leurs spécificités. Les affreux Skekses devaient même parler un langage spécifique mais les projections test ont eu raison de cette idée. Sans verser dans la nostalgie réac, on note quand même que les marionnettes réussissent à donner plus de « vie » à des créatures que le numérique. La présence de l’animateur confère aux créatures un surplus de "réalisme" là où l’ordinateur semble imiter mécaniquement.

Si l’histoire n’a qu’un intérêt relatif puisqu’elle sert surtout de prétexte pour explorer ce monde merveilleux elle reste quand même teintée d’une certaine noirceur, finalement peu manichéenne, et propose donc à l’arrivée un film pour enfant assez marquant et une réalisation intelligente capable d’enchanter les adultes. Des dialogues peu nombreux et une mise en scène sous forme de tableaux déploient une poésie visuelle accentuée par le travail de l’image. En effet le chef opérateur a utilisé un procédé qui permet de retrouver les dessins de Brian Froud ce qui confère aux décors et aux marionnettes une magie unique. Le regretté festival de cinéma fantastique d'Avoriaz ne s’y était d’ailleurs pas trompé en lui décernant le grand prix, récompensant alors un film très ambitieux et visuellement renversant.

T.K.