Pétri depuis son titre d’esprit de contradiction, Non n’est pas là pour être joli, gentil et consensuel. Le film des réalisateurs Ximon Fuchs et Eñaut Castagnet assume au contraire complètement la potentielle accusation d’apologie de la violence. En effet, il dépeint la nuit plus que mouvementée qui voit s’affronter Bruno (Ximon Fuchs), grande gueule en colère ayant le sentiment qu’il n’a plus rien à perdre puisqu’il vient de se faire licencier, et un duo de flics sadiques bien décidés à faire du zèle pour avancer dans leur carrière. Souvent drôle, parfois dérangeant, toujours étonnant, ce film (anti-)policier anarchiste est riche de ses nombreuses scènes (quelque fois littéralement) coups de poing, dont la violence est le fidèle reflet de celle que notre société inhumaine inflige trop souvent à ses membres. L’extrême cynisme des dialogues est là pour réveiller le citoyen endormi que nous nous sommes majoritairement laissé devenir par indolence, ce « dernier des hommes » dont parlait Nietzsche, ne survivant pitoyablement que grâce à divers narcotiques. Pour appuyer ce verbe, la caméra de Ximon Fuchs et Eñaut Castagnet filme les visages des personnages au plus près des marques et des cicatrices que le temps leur a infligées, qui disent quelque chose de leur tentation pour le chaos, et nous forcent à un tête-à-tête interpellant. Par son extrême violence, Non maltraite peut-être ses spectateurs ; mais c’est pour la bonne cause, et toujours sauvé par l’humour. Se plaçant sous l’égide des grands réalisateurs sociaux, nos deux insurgés disent avoir voulu « être les secrétaires de la société française comme le disait Fassbinder, aimer les tribus d'acteurs de théâtre autant que Bergman, rester têtus et fiers comme Ken Loach. » On peut leur reconnaître qu’ils ont réussi ce film populaire, fraternel et rebelle qu’ils appelaient de leurs vœux. Biba eta milesker !

F.L.