Revenge. Après Grave, le renouveau du cinéma de genre française tant attendu est-il enfin arrivé ?

Il est évident pour le critique de lier le film de Ducournau avec le film de Coralie Fargeat. Deux films de genre, deux réalisatrices œuvrant dans un cinéma fantastique ou d’action souvent masculin. Si Grave s’inscrit dans un univers « Cronenbergien » avec une réflexion sur la chair, Coralie Fargeat réalise avant tout un vrai bon film de genre où le discours ne prend jamais le pas sur le récit.

Son film s’inspire du Rape and revenge, genre qui met en scène un viol en nous montrant par la suite la revanche de la victime ou de ses proches. Beaucoup de cinéphiles considèrent qu’Ingmar Bergman est à l’origine de ce type de récit avec La Source. Ce film conte le viol d’une jeune fille par deux bergers qui partent ensuite se réfugier chez un riche propriétaire terrien qui se révèlera être le père de la victime.

La Dernière Maison sur la Gauche qui marquera l’avènement du genre dans les années 70 sur nos écrans était, selon les propos de son réalisateur Wes Craven, un remake déguisé de La Source. Sans revenir sur ce genre parfois controversé, il est à noter que la mode du Rape and Revenge au cinéma apparut au moment où la gent masculine supportait mal la libération de la femme.

Dans Revenge, une jeune femme interprétée par Matilda Lutz est la victime de trois businessmen. Face à elle, nous avons à faire à l’incarnation de la beauferie et la crasserie masculine avec Stan le minable incapable de contrôler son bas-ventre, Richard un sociopathe obnubilé par sa propre personne et enfin Dimitri dont les deux seuls intérêts sont la Kronenbourg et la chasse. Si les personnages sont volontairement caricaturaux, c’est que Revenge est une série B revendiquée comme telle. À la différence du Ducournau dont le cinéma ambitionnait un message à travers un vernis arty, Revenge est un film primal qui veut mettre fin au patriarcat à coup de fusil à pompe.

Coralie Fargeat revendique un cinéma non littéraire avant tout basé sur la mise en scène. Dès son premier court métrage Le télégramme, on sentait une réalisation maitrisée qui s’amusait à travers le récit à reconstruire le scénario.

Et quelle réalisation dans Revenge ! Scope splendide, cadrage hors pair, mise en scène d’une grande lisibilité, travail phénoménal sur les couleurs primaires, photographie de nuit toute droite sortie d’un film de Michael Man, Revenge est un extraordinaire objet pop.

Par l’intermédiaire de certains échanges entre les personnages (Richard et sa femme…), les inserts de postes TV qui diffusent des programmes idiots, ou l’attitude grotesque et pathétique des personnages masculins, le film critique une certaine beauferie ambiante basée sur l’autosatisfaction et la consommation où les femmes sont considérées comme un objet. Si la réalisatrice porte un discours, elle ne le fait jamais au détriment de l’efficacité de son film.

Revenge est donc avant tout un film d’action, de revanche, où l’hémoglobine coule à flot. A la différence de trop de réalisateurs français qui ont honte d’œuvrer dans la série B en raison d’une tradition d’un cinéma d’auteur devenu mortifère et de plus en limité à l’hexagone, la réalisatrice nous offre un univers visuel fort et reconnaissable autour d’un Rambo en jupon parti se venger d’une gente masculine qui empêche les femmes de pouvoir vivre telles qu’elles le désirent.

Salutaire, violent, fun, esthétique, une série B magistrale.

Mad Will