Bouleversé par la triste fin qu’a connu son père dont il ne connaît que la mythologie tragique, Pier Ulmann (Niels Schneider, souvenir méconnaissable des Amours imaginaires) veut obtenir réparation. Son chef de contrebande lui conseille de préférer la vengeance psychologique à la vengeance physique, trop rapide, trop vaine. Il se retient donc de frapper vite pour heurter davantage plus tard. Cependant, en se rapprochant des êtres humains qu’il souhaite trahir, son regard sur eux se modifie inévitablement. Or, l’homme capable d’entendre le point de vue d’autrui s’aperçoit vite que « chacun a ses raisons » et devient dès lors incapable de porter un jugement moral. A mesure qu’il entre en sympathie, le jeune Pier doute donc de la nécessité de sa vengeance. D’autant qu’il se découvre un intérêt sincère pour la taille du diamant, fasciné par la richesse de ses diffractions lumineuses, doué d’un œil de lynx et de la patience nécessaire à cet artisanat. Ce suspense princeps est densifié par le développement d’intrigues secondaires. D’un côté, le règne de la rentabilité menace d’éliminer purement et simplement le savoir-faire séculaire des diamantaires anversois ; de l’autre, Pier est tenté d’entamer une liaison avec la femme qu’il lui est interdit de convoiter (Raphaële Godin, des faux airs d’Anna Mouglalis). Pour donner corps à ce riche scénario, Claude Harari a la bonne idée de faire jouer des acteurs très peu connus. Leur impossible identification amplifie la dimension immersive de ce film humaniste, dans lequel la lumière de la compassion triomphe du diamant noir de la loi du Talion.

F.L.